Les morts sont des invisibles, ils ne sont pas des absents
Saint Augustin cité par Anne-Ancelin
Les écrivains catholiques se sont intéressés à la transmission transgénérationnelle bien avant que les psychologues n’en fassent un objet théorique. La doctrine élaborée par Anne Ancelin Schützenberger n’est pas aussi novatrice que certains voudraient le croire. Psychothérapeute, groupe-analyste et psychodramatiste de renommée internationale, Anne Ancelin est l’inspiratrice de la psychogénéalogie. Le succès de son ouvrage, Aïe mes aïeux (Desclée de Brouwer), régulièrement réédité et traduit dans le monde entier, a contribué pour beaucoup au développement de cette discipline.
La psychogénéalogie explore les empreintes laissées par nos aïeux sur notre psychisme. Elle étudie l'influence du milieu et de l'histoire familiale sur le comportement d’un individu, à travers les phénomènes, attestés par nombre de psychanalystes, de la «répétition» ou de la «reproduction». Cette méthode d’investigation historique consiste à rechercher dans le vécu de nos ascendants les sources de nos troubles psychologiques, de nos maladies etc…
Les praticiens en psychogénéalogie considèrent que l'inconscient de chaque individu est constitué du vécu de ses parents, grands-parents et de ses ancêtres plus éloignés, qu’il recèle des cryptes habitées par des «fantômes», c’est à dires des secrets inavouables, non verbalisés, des non-dits, qui se transmettent d’un inconscient à l’autre à travers les générations.
La psychogénéalogie postule l'existence d'un inconscient familial et groupal, vecteur de la transmission transgénérationnelle. Le fantôme est le travail dans l’inconscient du secret ténébreux d’un autre (inceste, viol, abus d’un enfant, crime …). Sa loi disent les psychologues est «obligation de nescience». Les descendants ne peuvent pas échapper à cette loi qui les oblige à payer pour les fautes, les erreurs, les crimes, les traumatismes de leurs ancêtres. Du fait de cette solidarité des événements du passé peuvent retentir durablement, comme l’explique encore Anne Ancelin Schutzenberger
«On est glacé d’effroi – les mots manquent pour le dire, ou la peur ou la honte d’y avoir été impliqué (de l’un ou de l’autre côté , que l’on soit victime ou bourreau) – et l’événement est enterré dans un silence, un non-dit ou un secret. Et cet événement, enterré comme dans une crypte, se transmet de l’inconscient des parents à l’inconscient des enfants par ce que Nicolas Abraham et Maria Törok ont appelé, en 1975, un effet ventriloque ou un fantôme. Cette transmission se fait par un phénomène complexe que plusieurs chercheurs pluridisciplinaires tentent d’élucider - et qui pour moi se résumerait en termes de co-consicent et de co-inconscient familial - élargissant les concepts de Freud, Jung, Moreno, Dolto. Même si la théorie de la transmission entre générations n’est pas encore tout à fait élucidée, de nombreux cliniciens et thérapeutes la soignent»
De nombreux sites internets s’emploient à promouvoir cette technique psychothérapeutique. Un expert en généalogie nous en explique le principe : «La psychogénéalogie part d'un postulat simple : chaque individu n'est qu'un maillon d'une longue chaîne. Elle fait le parallèle entre le vécu mental des générations passées et les troubles actuels en s'appuyant sur les recherches généalogiques des ascendants directs mais également en attribuant une importance à la fratrie. La transmission n'est pas que la reproduction. Cette transmission parfois consciente et souvent inconsciente (à l'insu de ceux qui transmettent et de ceux qui reçoivent) ou cachée traverse les générations et peut se manifester par des choix ou des conduites qui interrogent les intéressés ou leur entourage, ou des pathologies, plus ou moins graves, allant de troubles fonctionnels à la psychose. Françoise Dolto disait qu'il fallait trois générations pour "faire" un psychotique».
Cette assertion de Françoise Dolto se trouve confirmée par le cas d’un garçon autiste, décrit sur plusieurs pages par Nina Canault dans son ouvrage, Comment paye-t-on les fautes de ses ancêtres. Pour découvrir l’origine de l’autisme de cet enfant prénommé Jean-Michel, son analyste, le Dr Didier Dumas, a eu recours à l’analyse du généalogique. Remontant plusieurs générations dans sa lignée maternelle, il découvre que ses deux arrière-grands-pères se sont suicidés, au sortir de la guerre de 1914, par pendaison. Survivants du carnage, les deux hommes ont retrouvé leurs épouses, deux sœurs qui par commodité avaient choisi de s’installer ensemble, comme «mariées» l’une à l’autre, unies par le même rejet de l’homme. Devenus des charges, tous deux ont fini par se suicider. Selon le Dr Dumas, l’autisme de Jean-Michel, «est le résultat d’un inceste généalogiste». Pour lui la psychose pose un problème qui concerne chacun d’entre-nous :
«A ceux qui ne comprennent pas ce que viennent faire les psychotiques sur terre, je réponds qu’ils sont en tout cas là pour nous enseigner ce que nous méconnaissons de nos transmissions mentales et spirituelles. Ce sont eux qui m’ont, les premiers, mis le doigt sur la réalité incontournable des transmissions généalogiques dans la vie mentale de tout individu. Les enfants psychotiques expriment ou racontent des choses qu’à priori, personne ne comprend. Or, lorsqu’on écoute sérieusement, on s’aperçoit qu’en fait ils explorent le passé familial qui a fait d’eux ce qu’ils sont […] Les autistes dénoncent, par leur existence, des silences mensongers, Ils assument sans que personne ne s’en rende compte dans la famille, tout ce que les autres ne peuvent ni penser ni dire […] La psychose est donc, sous cet angle, un destin de descendant sacrificiel, une preuve, s’il en est besoin d’une, que ce que j’appelle le cannibalisme familial existe bel et bien».
De nombreux chercheurs travaillent sur le problème de l’originaire, de la transmission involontaire et inconsciente des qualités, des manières d'être, traumatismes etc... : «Il y a ici et là des éclairages écrit Anne Ancelin, mais on est encore loin d’expliquer cette mémoire, ces traces de mémoire. Est-ce une mémoire génétique ? Mais comment fonctionne-t-elle ? L’homme est un être de langage, le seul ; est-ce le verbe, le dit, le tu, le non-dit, la langage ( signifiant, verbal ou corporel), le transmetteur ou un transmetteur à découvrir ?».
Dans la perspective psychogénéalogique chaque individu s’inscrit dans une lignée et hérite des transmissions nuisibles ou bienfaitrices du passé. Le transgénérationnel désigne selon Nina Canault «le processus vital de transmission de l’esprit à travers les générations, processus que le matérialisme à l’œuvre dans les sciences qui parlent de l’homme tente en vain d’occulter». La transmission héréditaire de la faute que nous avons analysée dans cet essai obéit à ce processus. La différence entre la doctrine de Maistre et celle des psychogénéalogistes tient à la définition même de la «faute». Ces derniers ont tendance à la réduire à une «carence de parole», à un traumatisme, qu’on subit ou qu’on inflige. Tout se passe comme s’ils craignaient d’affronter le mystère du mal.
Voir le site d'Anne Ancelin
Saint Augustin cité par Anne-Ancelin
Les écrivains catholiques se sont intéressés à la transmission transgénérationnelle bien avant que les psychologues n’en fassent un objet théorique. La doctrine élaborée par Anne Ancelin Schützenberger n’est pas aussi novatrice que certains voudraient le croire. Psychothérapeute, groupe-analyste et psychodramatiste de renommée internationale, Anne Ancelin est l’inspiratrice de la psychogénéalogie. Le succès de son ouvrage, Aïe mes aïeux (Desclée de Brouwer), régulièrement réédité et traduit dans le monde entier, a contribué pour beaucoup au développement de cette discipline.
La psychogénéalogie explore les empreintes laissées par nos aïeux sur notre psychisme. Elle étudie l'influence du milieu et de l'histoire familiale sur le comportement d’un individu, à travers les phénomènes, attestés par nombre de psychanalystes, de la «répétition» ou de la «reproduction». Cette méthode d’investigation historique consiste à rechercher dans le vécu de nos ascendants les sources de nos troubles psychologiques, de nos maladies etc…
Les praticiens en psychogénéalogie considèrent que l'inconscient de chaque individu est constitué du vécu de ses parents, grands-parents et de ses ancêtres plus éloignés, qu’il recèle des cryptes habitées par des «fantômes», c’est à dires des secrets inavouables, non verbalisés, des non-dits, qui se transmettent d’un inconscient à l’autre à travers les générations.
La psychogénéalogie postule l'existence d'un inconscient familial et groupal, vecteur de la transmission transgénérationnelle. Le fantôme est le travail dans l’inconscient du secret ténébreux d’un autre (inceste, viol, abus d’un enfant, crime …). Sa loi disent les psychologues est «obligation de nescience». Les descendants ne peuvent pas échapper à cette loi qui les oblige à payer pour les fautes, les erreurs, les crimes, les traumatismes de leurs ancêtres. Du fait de cette solidarité des événements du passé peuvent retentir durablement, comme l’explique encore Anne Ancelin Schutzenberger
«On est glacé d’effroi – les mots manquent pour le dire, ou la peur ou la honte d’y avoir été impliqué (de l’un ou de l’autre côté , que l’on soit victime ou bourreau) – et l’événement est enterré dans un silence, un non-dit ou un secret. Et cet événement, enterré comme dans une crypte, se transmet de l’inconscient des parents à l’inconscient des enfants par ce que Nicolas Abraham et Maria Törok ont appelé, en 1975, un effet ventriloque ou un fantôme. Cette transmission se fait par un phénomène complexe que plusieurs chercheurs pluridisciplinaires tentent d’élucider - et qui pour moi se résumerait en termes de co-consicent et de co-inconscient familial - élargissant les concepts de Freud, Jung, Moreno, Dolto. Même si la théorie de la transmission entre générations n’est pas encore tout à fait élucidée, de nombreux cliniciens et thérapeutes la soignent»
De nombreux sites internets s’emploient à promouvoir cette technique psychothérapeutique. Un expert en généalogie nous en explique le principe : «La psychogénéalogie part d'un postulat simple : chaque individu n'est qu'un maillon d'une longue chaîne. Elle fait le parallèle entre le vécu mental des générations passées et les troubles actuels en s'appuyant sur les recherches généalogiques des ascendants directs mais également en attribuant une importance à la fratrie. La transmission n'est pas que la reproduction. Cette transmission parfois consciente et souvent inconsciente (à l'insu de ceux qui transmettent et de ceux qui reçoivent) ou cachée traverse les générations et peut se manifester par des choix ou des conduites qui interrogent les intéressés ou leur entourage, ou des pathologies, plus ou moins graves, allant de troubles fonctionnels à la psychose. Françoise Dolto disait qu'il fallait trois générations pour "faire" un psychotique».
Cette assertion de Françoise Dolto se trouve confirmée par le cas d’un garçon autiste, décrit sur plusieurs pages par Nina Canault dans son ouvrage, Comment paye-t-on les fautes de ses ancêtres. Pour découvrir l’origine de l’autisme de cet enfant prénommé Jean-Michel, son analyste, le Dr Didier Dumas, a eu recours à l’analyse du généalogique. Remontant plusieurs générations dans sa lignée maternelle, il découvre que ses deux arrière-grands-pères se sont suicidés, au sortir de la guerre de 1914, par pendaison. Survivants du carnage, les deux hommes ont retrouvé leurs épouses, deux sœurs qui par commodité avaient choisi de s’installer ensemble, comme «mariées» l’une à l’autre, unies par le même rejet de l’homme. Devenus des charges, tous deux ont fini par se suicider. Selon le Dr Dumas, l’autisme de Jean-Michel, «est le résultat d’un inceste généalogiste». Pour lui la psychose pose un problème qui concerne chacun d’entre-nous :
«A ceux qui ne comprennent pas ce que viennent faire les psychotiques sur terre, je réponds qu’ils sont en tout cas là pour nous enseigner ce que nous méconnaissons de nos transmissions mentales et spirituelles. Ce sont eux qui m’ont, les premiers, mis le doigt sur la réalité incontournable des transmissions généalogiques dans la vie mentale de tout individu. Les enfants psychotiques expriment ou racontent des choses qu’à priori, personne ne comprend. Or, lorsqu’on écoute sérieusement, on s’aperçoit qu’en fait ils explorent le passé familial qui a fait d’eux ce qu’ils sont […] Les autistes dénoncent, par leur existence, des silences mensongers, Ils assument sans que personne ne s’en rende compte dans la famille, tout ce que les autres ne peuvent ni penser ni dire […] La psychose est donc, sous cet angle, un destin de descendant sacrificiel, une preuve, s’il en est besoin d’une, que ce que j’appelle le cannibalisme familial existe bel et bien».
De nombreux chercheurs travaillent sur le problème de l’originaire, de la transmission involontaire et inconsciente des qualités, des manières d'être, traumatismes etc... : «Il y a ici et là des éclairages écrit Anne Ancelin, mais on est encore loin d’expliquer cette mémoire, ces traces de mémoire. Est-ce une mémoire génétique ? Mais comment fonctionne-t-elle ? L’homme est un être de langage, le seul ; est-ce le verbe, le dit, le tu, le non-dit, la langage ( signifiant, verbal ou corporel), le transmetteur ou un transmetteur à découvrir ?».
Dans la perspective psychogénéalogique chaque individu s’inscrit dans une lignée et hérite des transmissions nuisibles ou bienfaitrices du passé. Le transgénérationnel désigne selon Nina Canault «le processus vital de transmission de l’esprit à travers les générations, processus que le matérialisme à l’œuvre dans les sciences qui parlent de l’homme tente en vain d’occulter». La transmission héréditaire de la faute que nous avons analysée dans cet essai obéit à ce processus. La différence entre la doctrine de Maistre et celle des psychogénéalogistes tient à la définition même de la «faute». Ces derniers ont tendance à la réduire à une «carence de parole», à un traumatisme, qu’on subit ou qu’on inflige. Tout se passe comme s’ils craignaient d’affronter le mystère du mal.
Voir le site d'Anne Ancelin