Bon mais inégal
U[Un début besogneux]u
On craint le pire, lorsqu’on assiste aux premières minutes de Harry Potter et la coupe de feu, on craint d’être revenu à un hybride des deux premiers films, fastidieux, englués aux livres page après page, ligne après ligne. Par bonheur, après une bonne demi-heure d’angoisse, l’inquiétude se lève et le film se donne pour ce qu’il est vraiment : une bonne œuvre un peu inégale.
Quiconque l’a déjà vu vous le dira spontanément : « il y a plein de choses dans le livre qu’on ne voit pas dans le film ». Pas de patronus, pas d’elfes, pas de quidditch ; et pourtant le film n’est pas court.
Cela commence donc de manière un peu besogneuse, exactement comme le livre, par un songe où Harry voit Voldemort. Le cinéaste a voulu faire, selon les règles du genre, une ouverture-choc pour séparer les spectateurs de leur quotidien et les plonger dans le film. C’est de bonne guerre et certains films d’actions, des James Bond et « les deux tours », sont des modèles d’ouverture-choc. Ici, quelque chose ne marche pas. C’est un peu cliché et surtout, on perd de vue pendant très longtemps ensuite Voldemort dans sa cabane sombre, au profit d’une série d’expositions insatisfaisantes, où l’on reprend contact avec les héros, le ministère de la magie, Barty Crouch, l’école de Hogwarts, le tournoi des trois sorciers, les élèves des deux écoles invitées, la coupe du monde de quidditch, le nouveau professeur Mad-eye Moddy, et, euh, j’espère que c’est tout. Le film n’a pas le temps de tout présenter, alors il va très vite, suppose que le spectateur sait déjà tout ; on a l’impression fastidieuse de serrer à toute allure une cinquantaine de mains sans pouvoir retenir tous les noms.
Notez que cette faiblesse en est une aussi des romans de Rowling, spécialement le sixième.
La virée des manges-morts manque de même d’impact. Leur nom est ridicule, leur intervention peu crédible. Une dizaine de sorciers, habillés comme le ku klux klan , réussirait à dévaster et brûler un camp de dizaines de milliers de personnes ? La fameuse tête de mort verte dans le ciel, qui aurait pu être si impressionnante, semble être une lubie accidentelle d’un mange-mort qui se serait attardé sur place. Effet raté !
U[Quelques gemmes]u
Toute cette fastidieuse entrée en matière n’exclut pas, toutefois, les morceaux brillants. L’entrée des filles de Beauxbatons, fringuées comme des hôtesses d’accueil dans un gala caritatif, est drôlatique ; celui des garçons de Durmstrang, brutes épaisses mâtinées de chœurs de l’armée rouge et de voix bulgares, le dispute en cocasserie. C’est volontairement cliché et c’est drôle ; mais le filon du « choc des cultures » ne sera pas tellement exploité ensuite. Pas le temps !
Bon ! Après trois quarts d’heure, la coupe de feu est en place, les trois sorciers seront quatre : on peut commencer. Et à ce moment précis, le film décolle. La première épreuve, un duel avec un dragon, est le prétexte pour une scène d’action éblouissante. La bestiole est teigneuse, pourchasse Harry partout où elle peut ; s’agrippe aux tuiles du toit : c’est par-fait.
Le film sait aussi jouer d’autres registres grâce à quelques acteurs excellents. Mad-eye Moddy frôle sans cesse la caricature hystérique sans y verser ; sa démonstration des « sorts interdits » (contrôle à distance, torture, mort) sur un cafard monstrueux est un petit bijou malsain qui laisse le spectateur muet et fasciné.
La scène centrale : plus rien n’est simple maintenant
Cela semblera un peu curieux pour ceux qui suivent de l’extérieur les aventures et la croissance du magicien à la cicatrice : la scène centrale du film est une scène phsychologique, pratiquement une romance contrariée. C’est la scène du bal du tournoi. Chacun doit se trouver un cavalier ou une cavalière, s’habiller : c’est comme une sorte d’entrée symbolique dans le monde des grands, tout le moins dans les distractions et les plaisirs des grands. Pour beaucoup d’élèves, le miroir se brise, les hiérarchies ne sont plus les mêmes, les amis sont trahis au profit des petites amies. La sincérité fait place aux faux-semblants ; certains leurs résistent, d’autres non : ce ne sont pas ceux qu’on croirait.
L’exemple parfait de ceci, c’est Hermione. Bêcheuse, intellectuelle, ne pouvait-elle rester que célibataire ? La voilà qui sort subitement de sa chrysalide, superbement vêtue (elle descend l’escalier en robe du soir : quel plan !), avec des chaussures qui fond mal au pied, au bras d’une star internationale dui quidditch. Mais la star est très bête et cette incursion trop avant dans le monde adulte était un cri de détresse : Hermione aurait largement préféré se faire accompagner d’un de ses deux amis. Ceux-ci, encore trop juvéniles, n’avaient même pas eu l’idée. En fin de compte, tout le monde s’ennuie, tout le monde se sent un peu frustré ; Harry et Ron laissent leurs cavalières, ravissantes, se dessécher d’inanition sur un tabouret voisin. Tout le monde part fâché sans trop savoir pourquoi ; ces fâcheries s’ajoutent à la jalousie que Ron éprouve de plus en plus envers Harry, bref, on grandit : plus rien n’est simple maintenant. Ce sera à peu de choses près la phrase finale du film. L’une de ses grandes qualités et d’avoir su montrer tout cela, en peu de minutes et peu de mots, dans cette scène du bal qui est à mon sens une réussite.
Après, bien entendu, les autres scènes d’actions pâlissent un peu mais restent honnêtes ; le labyrinthe est un clin d’œil appuyé à Kubrick, il ne se passe pas grand-chose dans la scène sous l’eau. Et voici enfin le « portkey » et la confrontation avec Voldemort et là, c’est impressionnant à nouveau. Non pas que le décorum le soit spécialement ; après des années de Buffy, un cimetière ne fait plus guère peur ; mais Ralph Fiennes, qui joue Voldemort, crève littéralement l’écran et campe un personnage parfaitement maléfique, sans excès. Il est des méchants qui ne s’oublient pas.
U[De bons acteurs]u
C’est l’occasion de signaler la grande qualité des acteurs dans leur ensemble ; Harry Potter joue plus subtilement, et le rouquin de service (allez donc savoir son nom) a considérablement enrichi son jeu : il n’est plus le petit ouistiti des deux premiers films, qui ne savait faire qu’une seule grimace.
Dans l’ensemble, donc, le quatrième Harry Potter est un film bon en moyenne mais irrégulier ; par bonheur les creux arrivent majoritairement au début, et les pics tout au long et à la fin. L’impression d’ensemble est heureuse ; je recommande pour ma part d’aller le voir.
On craint le pire, lorsqu’on assiste aux premières minutes de Harry Potter et la coupe de feu, on craint d’être revenu à un hybride des deux premiers films, fastidieux, englués aux livres page après page, ligne après ligne. Par bonheur, après une bonne demi-heure d’angoisse, l’inquiétude se lève et le film se donne pour ce qu’il est vraiment : une bonne œuvre un peu inégale.
Quiconque l’a déjà vu vous le dira spontanément : « il y a plein de choses dans le livre qu’on ne voit pas dans le film ». Pas de patronus, pas d’elfes, pas de quidditch ; et pourtant le film n’est pas court.
Cela commence donc de manière un peu besogneuse, exactement comme le livre, par un songe où Harry voit Voldemort. Le cinéaste a voulu faire, selon les règles du genre, une ouverture-choc pour séparer les spectateurs de leur quotidien et les plonger dans le film. C’est de bonne guerre et certains films d’actions, des James Bond et « les deux tours », sont des modèles d’ouverture-choc. Ici, quelque chose ne marche pas. C’est un peu cliché et surtout, on perd de vue pendant très longtemps ensuite Voldemort dans sa cabane sombre, au profit d’une série d’expositions insatisfaisantes, où l’on reprend contact avec les héros, le ministère de la magie, Barty Crouch, l’école de Hogwarts, le tournoi des trois sorciers, les élèves des deux écoles invitées, la coupe du monde de quidditch, le nouveau professeur Mad-eye Moddy, et, euh, j’espère que c’est tout. Le film n’a pas le temps de tout présenter, alors il va très vite, suppose que le spectateur sait déjà tout ; on a l’impression fastidieuse de serrer à toute allure une cinquantaine de mains sans pouvoir retenir tous les noms.
Notez que cette faiblesse en est une aussi des romans de Rowling, spécialement le sixième.
La virée des manges-morts manque de même d’impact. Leur nom est ridicule, leur intervention peu crédible. Une dizaine de sorciers, habillés comme le ku klux klan , réussirait à dévaster et brûler un camp de dizaines de milliers de personnes ? La fameuse tête de mort verte dans le ciel, qui aurait pu être si impressionnante, semble être une lubie accidentelle d’un mange-mort qui se serait attardé sur place. Effet raté !
U[Quelques gemmes]u
Toute cette fastidieuse entrée en matière n’exclut pas, toutefois, les morceaux brillants. L’entrée des filles de Beauxbatons, fringuées comme des hôtesses d’accueil dans un gala caritatif, est drôlatique ; celui des garçons de Durmstrang, brutes épaisses mâtinées de chœurs de l’armée rouge et de voix bulgares, le dispute en cocasserie. C’est volontairement cliché et c’est drôle ; mais le filon du « choc des cultures » ne sera pas tellement exploité ensuite. Pas le temps !
Bon ! Après trois quarts d’heure, la coupe de feu est en place, les trois sorciers seront quatre : on peut commencer. Et à ce moment précis, le film décolle. La première épreuve, un duel avec un dragon, est le prétexte pour une scène d’action éblouissante. La bestiole est teigneuse, pourchasse Harry partout où elle peut ; s’agrippe aux tuiles du toit : c’est par-fait.
Le film sait aussi jouer d’autres registres grâce à quelques acteurs excellents. Mad-eye Moddy frôle sans cesse la caricature hystérique sans y verser ; sa démonstration des « sorts interdits » (contrôle à distance, torture, mort) sur un cafard monstrueux est un petit bijou malsain qui laisse le spectateur muet et fasciné.
La scène centrale : plus rien n’est simple maintenant
Cela semblera un peu curieux pour ceux qui suivent de l’extérieur les aventures et la croissance du magicien à la cicatrice : la scène centrale du film est une scène phsychologique, pratiquement une romance contrariée. C’est la scène du bal du tournoi. Chacun doit se trouver un cavalier ou une cavalière, s’habiller : c’est comme une sorte d’entrée symbolique dans le monde des grands, tout le moins dans les distractions et les plaisirs des grands. Pour beaucoup d’élèves, le miroir se brise, les hiérarchies ne sont plus les mêmes, les amis sont trahis au profit des petites amies. La sincérité fait place aux faux-semblants ; certains leurs résistent, d’autres non : ce ne sont pas ceux qu’on croirait.
L’exemple parfait de ceci, c’est Hermione. Bêcheuse, intellectuelle, ne pouvait-elle rester que célibataire ? La voilà qui sort subitement de sa chrysalide, superbement vêtue (elle descend l’escalier en robe du soir : quel plan !), avec des chaussures qui fond mal au pied, au bras d’une star internationale dui quidditch. Mais la star est très bête et cette incursion trop avant dans le monde adulte était un cri de détresse : Hermione aurait largement préféré se faire accompagner d’un de ses deux amis. Ceux-ci, encore trop juvéniles, n’avaient même pas eu l’idée. En fin de compte, tout le monde s’ennuie, tout le monde se sent un peu frustré ; Harry et Ron laissent leurs cavalières, ravissantes, se dessécher d’inanition sur un tabouret voisin. Tout le monde part fâché sans trop savoir pourquoi ; ces fâcheries s’ajoutent à la jalousie que Ron éprouve de plus en plus envers Harry, bref, on grandit : plus rien n’est simple maintenant. Ce sera à peu de choses près la phrase finale du film. L’une de ses grandes qualités et d’avoir su montrer tout cela, en peu de minutes et peu de mots, dans cette scène du bal qui est à mon sens une réussite.
Après, bien entendu, les autres scènes d’actions pâlissent un peu mais restent honnêtes ; le labyrinthe est un clin d’œil appuyé à Kubrick, il ne se passe pas grand-chose dans la scène sous l’eau. Et voici enfin le « portkey » et la confrontation avec Voldemort et là, c’est impressionnant à nouveau. Non pas que le décorum le soit spécialement ; après des années de Buffy, un cimetière ne fait plus guère peur ; mais Ralph Fiennes, qui joue Voldemort, crève littéralement l’écran et campe un personnage parfaitement maléfique, sans excès. Il est des méchants qui ne s’oublient pas.
U[De bons acteurs]u
C’est l’occasion de signaler la grande qualité des acteurs dans leur ensemble ; Harry Potter joue plus subtilement, et le rouquin de service (allez donc savoir son nom) a considérablement enrichi son jeu : il n’est plus le petit ouistiti des deux premiers films, qui ne savait faire qu’une seule grimace.
Dans l’ensemble, donc, le quatrième Harry Potter est un film bon en moyenne mais irrégulier ; par bonheur les creux arrivent majoritairement au début, et les pics tout au long et à la fin. L’impression d’ensemble est heureuse ; je recommande pour ma part d’aller le voir.