L’Angleterre fasciste… encore
Il y a deux points communs entre le Richard III projeté il y a une dizaine d’années, avec Ian McKellen dans le rôle titre, et « les fils de l’homme », la bonne surprise de cette semaine : la centrale thermique de Battersea, et l’Angleterre fasciste. Dans Richard III, cette centrale, célèbre depuis qu’elle a figuré sur la couverture du «Animals» de Pink Floyd, sert de décor au dernier combat du roi homicide et à sa réplique fameuse, «mon royaume pour un cheval».
Dans Les fils de l’homme, elle est le décor d’un des derniers endroits civilisés de Grande Bretagne, où l’on conserve à la fois le Guernica de Picasso, et le cochon de Pink Floyd, justement ; elle est aussi le décor où Theo, le héros du film, joué par Clive Owen, soutire à son frère un laissez passer pour une mystérieuse Kee, la première femme du monde à être enceinte depuis 18 ans. Nous avons là quelques-uns des ingrédients du film : l’anticipation, la cible des spectateurs cultivés et, il faut bien le dire, une invraisemblance assumée.
Dans Les fils de l’homme, elle est le décor d’un des derniers endroits civilisés de Grande Bretagne, où l’on conserve à la fois le Guernica de Picasso, et le cochon de Pink Floyd, justement ; elle est aussi le décor où Theo, le héros du film, joué par Clive Owen, soutire à son frère un laissez passer pour une mystérieuse Kee, la première femme du monde à être enceinte depuis 18 ans. Nous avons là quelques-uns des ingrédients du film : l’anticipation, la cible des spectateurs cultivés et, il faut bien le dire, une invraisemblance assumée.
Londres en 2027
L’anticipation, car l’action se passe en 2027, dans un futur qui n’est pas celui de Star Trek mais très semblable au nôtre, en plus crasseux, et où «l’architecture de la sécurité» est devenue visible (grilles aux bus, aux trains, immeubles victoriens flanqués de casemates, immigrés clandestins dans des cages, policiers lourdement armés omniprésents, parfois au coude à coude dans certaines rues). L’humanité est devenue stérile et l’on vénère gâteusement l’homme le plus jeune du monde comme on vénérait Jeanne Calment il n’y a pas si longtemps. Lorsque «Baby Diego», encore appelé ainsi malgré ses 18 ans et sa tête à claques, meurt dans une rixe qu’il a déclenché, c’est un deuil planétaire et l’on annonce, comme à la mort de Jeanne Calment, quel est le plus-jeune-du-monde suivant (en années, mois, jours et peut-être même heures).
Une large partie du territoire est incontrôlée, les transports en commun sont semblables à des fourgons de police, les campagnes ne sont pas sûres (des attentats sont commis contre les vaches !), des kits de suicide sont disponibles sous la marque «Quietus» et le slogan «it’s your life, you choose it», ou quelque chose d’appochant. Des bandes fanatisées quadrillent le pays, les «repentants», les flagellants, et les «fugees», qui sont les clandestins, en quantité énorme. Car toute l’Europe a basculé dans la guerre civile et les immigrés, en 2027 en Angleterre, parlent français ou allemand. Seule l’Angleterre subsiste, au prix d’une dictature policière qui a transformé son sentiment de supériorité en arrogance ouverte.
Est-il besoin de le dire ? La peinture du futur est la meilleure chose du film. Imaginative, inventive, filmée magistralement, elle surprend encore dans les dernières minutes.
Une large partie du territoire est incontrôlée, les transports en commun sont semblables à des fourgons de police, les campagnes ne sont pas sûres (des attentats sont commis contre les vaches !), des kits de suicide sont disponibles sous la marque «Quietus» et le slogan «it’s your life, you choose it», ou quelque chose d’appochant. Des bandes fanatisées quadrillent le pays, les «repentants», les flagellants, et les «fugees», qui sont les clandestins, en quantité énorme. Car toute l’Europe a basculé dans la guerre civile et les immigrés, en 2027 en Angleterre, parlent français ou allemand. Seule l’Angleterre subsiste, au prix d’une dictature policière qui a transformé son sentiment de supériorité en arrogance ouverte.
Est-il besoin de le dire ? La peinture du futur est la meilleure chose du film. Imaginative, inventive, filmée magistralement, elle surprend encore dans les dernières minutes.
La cible : les spectateurs cultivés.
Sachons gré à Alfonso Cuaron d’avoir semé des clins d’œil nombreux dans son film, notamment musicaux. On est gâtés, entre la 10ème de Chosta, le «Knaben Wunderhorn» de Mahler, un morceau omniprésent de Tavener, «In the court of the crimson king», les allusions à Pink Floyd, la nostalgie de l’âge hippie et j’en passe. Dans un monde abruti par la télé, la culture n’est plus que l’apanage d’une élite, qui en consomme indistinctement, mélangeant justement Guernica, Pink Floyd et Vivaldi dans le même plan. Certains, qui résistent, bénéficient d’une culture underground (hilarant morceaux pop-noisy dans l’antre forestier du vieux bab qui aide Theo et Julian).
Une autre référence, jamais cité mais qui reste latente tout au long du film, c’est à mon avis Blade Runner ; tous deux prétendent représenter de manière réaliste une ville du futur, comme un des personnages de l’aventure. Mais là où Blade Runner est un conte philosohique sous des allures de film d’action bourrin, Les fils de l’homme est exactement le contraire.
Une autre référence, jamais cité mais qui reste latente tout au long du film, c’est à mon avis Blade Runner ; tous deux prétendent représenter de manière réaliste une ville du futur, comme un des personnages de l’aventure. Mais là où Blade Runner est un conte philosohique sous des allures de film d’action bourrin, Les fils de l’homme est exactement le contraire.
Une invraisemblance assumée.
Tout laisse penser, en effet, que Les fils de l’homme va donner dans le philosophique. Les symboles sont trop lourds : le futur proche ? l’humanité stérile ? les immigrés, parqués dans des camps ? la campagne polluée ? Les interviews du réalisateur laissent penser la même chose : Alfonso Cuaron aurait voulu montrer où on allait si «on continuait comme ça».
Mais le propos du film dément constamment ce sérieux projet. C’est au milieu de la projection, lorsque nos héros traversent une colonne de musulmans en émeute, vraies images d’Epinal, encagoulés, tirant en l’air, scandant «Allahu Akbar», que je me suis rendu compte que ça ne pouvait être que du second degré. Le plan est vraiment trop poilant pour être sérieux. Et l’on se rend compte que bien d’autres ont été marqué par la même exagération. C’est une ironie similaire qui commente la mort de «Baby Diego», le commentaire journalistique qui introduit le film, la mémé russe qui n’arrête pas de parler. C’est un même humour qui est présent tout au long du film, lors de la course-poursuite où la Mégane ne veut pas démarrer, lorsque Syd vient arrêter les héros, lorsque Theo est systématiquement pris dans le feu de l’action pieds nus ou en chaussettes.
Mais le propos du film dément constamment ce sérieux projet. C’est au milieu de la projection, lorsque nos héros traversent une colonne de musulmans en émeute, vraies images d’Epinal, encagoulés, tirant en l’air, scandant «Allahu Akbar», que je me suis rendu compte que ça ne pouvait être que du second degré. Le plan est vraiment trop poilant pour être sérieux. Et l’on se rend compte que bien d’autres ont été marqué par la même exagération. C’est une ironie similaire qui commente la mort de «Baby Diego», le commentaire journalistique qui introduit le film, la mémé russe qui n’arrête pas de parler. C’est un même humour qui est présent tout au long du film, lors de la course-poursuite où la Mégane ne veut pas démarrer, lorsque Syd vient arrêter les héros, lorsque Theo est systématiquement pris dans le feu de l’action pieds nus ou en chaussettes.
Un film d’action humoristique
Autrement dit, Les fils de l’homme est un film d’action camouflé en film philosophique. Cuaron, malgré ses dires, désamorce le sérieux par de l’humour ou de l’exagération systématiques (il y a un tri des réfugiés à l’entrée du camp, comme dans un camp de concentration ; il y a aussi – surtout – une blague sur les cigognes au début du film qui n’a fait rire que moi dans la salle). Pire, il ne creuse pas la signification symbolique de la stérilité humaine : les femmes n’ont plus d’enfant, l’une d’elles en a un, c’est comme ça, point. Les raisons de la chose ne le concernent pas. Ce qui l’intéresse, c’est la course poursuite, la survie, et quelques fa-bu-leuses scènes d’action, l’explosion initiale, l’attaque du gang dans la campagne, l’insurrection dans le camp… qui sont une réussite visuelle et scénaristique. En revanche, les passages qui exigeraient un peu d’émotion sont bâclés. L’accouchement de Kee, notamment, est plat comme la Hollande.
Peu importe, au demeurant, ce que Cuaron dit avoir voulu dire. Il nous laisse avec Les fils de l’homme un film excitant, avec très peu de longueurs, aussi doué que Harry Potter III en termes visuels et narratifs, qui passe à côté du chef d’œuvre qu’il aurait pu être s’il avait vraiment cherché à être plus profond. 4/5, chaudement recommandé.
Peu importe, au demeurant, ce que Cuaron dit avoir voulu dire. Il nous laisse avec Les fils de l’homme un film excitant, avec très peu de longueurs, aussi doué que Harry Potter III en termes visuels et narratifs, qui passe à côté du chef d’œuvre qu’il aurait pu être s’il avait vraiment cherché à être plus profond. 4/5, chaudement recommandé.