Lu quelques pages hier d’un bouquin, publié en 2008 au Cerf, d’un agrégé de philo, et professeur d’éthique à l’Institut Catholique de Lyon, qui nous expose une herméneutique de la «sexuation humaine» sous l’angle du personnalisme. La Personne pour le catholique gogo d’aujourd’hui, c’est l’homme de la Genèse créé à l’«image» de Dieu (infusée à la création et inaliénable) mais exempté de la nécessité d’atteindre à la «ressemblance» qui est l’actualisation de tout ce qui implique l’«image» et qui résulte de la réalisation graduelle, de l’effort : elle doit se conquérir (c’est la théosis). Considérée comme constitutive de la Personne, la sexualité devient dans la perspective de notre auteur une réalité sacrée, insoupçonnée des naturalistes, des hédonistes et autres matérialistes. On a eu droit au jansénisme au siècle de Pascal. Aujourd’hui on nous impose la «sexualité chrétienne», une «théologie de la conjugalité» censée nous révéler tous les aspects de la Personne : don, communion, auto-révélation. N’importe quelle cruche catho qui lit ce genre d’ouvrage, va considérer son cul comme une sorte de sanctuaire où ne pourront accéder que les initiés aux réalités transcendantes. N’importe quel crétin qui tringle sa nana catho va confondre son expérience du coït avec une plongée au cœur du mystère trinitaire. On voit d’ailleurs que «l’herméneutique de la sexuation» et «des gestes amoureux» débouche bien souvent sur ce qu’on pourrait appeler une théologie pornographique qui a pour caractéristique principale d’être blasphématoire (ce que n’est pas explicitement et ouvertement la pornographie). A ce titre nous découvrons dans l’essai en question des extraits d’ouvrages qui auraient valu le bûcher à leurs auteurs à des époques moins déliquescentes. La transposition dans le domaine de la sexualité de tout ce qui touche à la liturgie catholique me semble particulièrement ignoble. On est affligé à la lecture des extraits de l’essai d’un sexologue abruti, publié en 2006 aux Presses de la Renaissance et intitulé : Ne gâchez pas votre plaisir, il est sacré. Pour une liturgie de l’orgasme : «Dans l’effusion génitale, écrit-il, le couple vit la joie d’être tout en soi et tout à l’autre. Bien sûr cette communion ne dure qu’une fraction de temps. Puis une partie secrète de chacun se referme, comme se referme l’iconostase. Chacun revient sur terre et reprend sa route propre, comme lors de l’envoi final à la messe». Commentant ce passage, notre auteur ose cette affirmation ahurissante, en se fondant sur une lecture tronquée d’un verset du Cantique des Cantiques : «Le corps de l’amante est présenté comme le réceptacle de la semence masculine représenté par l’amas de froment ainsi que le lieu de l’ivresse du plaisir symbolisé par le vin parfumé. Dans l’amour conjugal, le don de la vie est symbolisé par les attributs mêmes de l’eucharistie, le pain et le vin. Enfin à l’instar de la communion eucharistique, le temps de la communion intime est un temps privilégié...etc…». Sur une page entière, est reproduite la citation d’un essai d’une paroissienne en chaleur qui face à son mec en rut se lance dans un monologue sirupeux, aux accents poétiques insupportables. Il y a lieu de penser qu’il s’agit d’un amant ou d’un mari imaginaire car aucun type normal n’aurait pu endurer le supplice d’un monologue aussi stupide, révélateur tout à la fois d’une névrose religieuse et d’une névrose sexuelle, qui se mêlent sans qu’on sache très bien laquelle conditionne l’autre :
« Ceci est mon corps »
Blasphème ou réalité ?
Toute recueillie, je crois pouvoir prononcer devant toi ces mots divins :
« Ceci est mon corps »
Je prends à deux mains ce corps, avec sa pesanteur matérielle, ses élans et ses résonnances (…) avec son insatiable soif d’éternité
« Ceci est mon corps »…que je te donne en nourriture
Reçois-le en toi, comme le don le plus achevé que je puisse te faire, de l’être que je suis, moi, ton épouse.
En échange, tu me donnes, et je te reçois : ton corps d’homme, fait de vigueur et de puissance, avec ses violences (sic) et ses fougues, ses tentations et sa fécondité (…) avec ton âme tranchante comme une épée, pure comme un lac. Et cette clarté de Dieu qu’elle reflète (bon d’accord, mais c’est quand que tu te fous à poil ?)
« Ceci est mon corps »
Quand nous communions l’un à l’autre, ce n’est pas un blasphème que de dire que nous communions au Christ dont chacun de nous est pétri. En toi et moi, péchés et misères, joies et peines du couple, deviennent une unique hostie à l’image du Christ.
Qu’en lui, et par Lui, avec Lui, soit enfin sanctifié l’amour d’un homme et d’une femme devenu Cantique d’actions de grâce, Messe à la gloire de Dieu ».
Faute de liturgie digne de Dieu dans nos paroisses, on se contentera donc de la messe au plumard (elle aussi reflet de la liturgie céleste si l’on suit les divagations de nos catholiques modernes). L’imagination débridée par de telles lectures, notre agrégé se lâche carrément lorsqu’il aborde l’«herméneutique des gestes amoureux». S’appuyant sur Lévinas et d’autres philosophes qui bénéficient du label Fnac, notre auteur commence par développer une «phénoménologie de la caresse» et du baiser. Puis l’on passe à une étude plus poussée, celle de la pénétration : « Le sexe masculin est tout entier ordonné à la pénétration et au don du sperme. L’homme est tourné vers l’extérieur de lui-même et donne avec son corps quelque chose de très intime, de très précieux, support de son identité génétique. Dans le coït, ce qui est donné de plus concret, c’est le sperme. Pour l’homme, donner son sperme, c’est se donner, c’est donner son intimité. Avec audace et réalisme, saint Jean Chrysostome parle du sperme comme de “l’or le plus pur”, “un parfum liquide”. C’est dire à quel point le coït est vécu comme un don très précieux. Le coït révèle aussi une dynamique centrifuge où il s’agit de lancer un projectile dans un lieu précis, un réceptacle adéquat. En projetant la semence à l’extérieur de soi, l’homme est l’origine d’une transformation au plus intime du corps de la femme (…) Enfin le plaisir sexuel masculin est localisé, bref tout entier centré sur le moment objectif de l’éjaculation qui en est comme la raison d’être...etc…»
Il est noter que le propos attribué à Jean Chrysostome est tiré du bouquin foireux de O. Florant, «La liturgie de l’orgasme». La source authentique reste donc à vérifier. Mêler les détails les plus intimes du sexe au donné théologique est assez caractéristique de la nouvelle manière de concevoir le Mystère chez les catholiques modernes. Lapinos sur son blog citait dernièrement un passage d’un écrivain dont les ouvrages bénéficient eux du label «La préférence-La Procure» : Fabrice Hadjadj. La seule réaction que suscite un tel texte, c’est le dégoût : « Au commencement, avant de créer le monde, Dieu pensait au sexe d'une femme. Est-ce le secret de son anatomie en coupe faciale : une sorte de croix avec un triangle sur la pointe au centre ? La chose est probable, mais ce qui est sûr, c'est que le Père, pensant d'abord à cet Adam dont son fils assumerait la nature jusqu'à la mort la plus douloureuse, ne pouvait pas ne pas songer en même temps à ce qui serait sa première résidence : l'utérus de la Vierge (...) »
Il est donc évident à la lecture de tels textes que le catholicisme français moderne est une abomination. Il a fallu tout saccager, tout détruire, et en particulier la liturgie, pour aboutir à un tel naufrage de l’intelligence chrétienne.
« Ceci est mon corps »
Blasphème ou réalité ?
Toute recueillie, je crois pouvoir prononcer devant toi ces mots divins :
« Ceci est mon corps »
Je prends à deux mains ce corps, avec sa pesanteur matérielle, ses élans et ses résonnances (…) avec son insatiable soif d’éternité
« Ceci est mon corps »…que je te donne en nourriture
Reçois-le en toi, comme le don le plus achevé que je puisse te faire, de l’être que je suis, moi, ton épouse.
En échange, tu me donnes, et je te reçois : ton corps d’homme, fait de vigueur et de puissance, avec ses violences (sic) et ses fougues, ses tentations et sa fécondité (…) avec ton âme tranchante comme une épée, pure comme un lac. Et cette clarté de Dieu qu’elle reflète (bon d’accord, mais c’est quand que tu te fous à poil ?)
« Ceci est mon corps »
Quand nous communions l’un à l’autre, ce n’est pas un blasphème que de dire que nous communions au Christ dont chacun de nous est pétri. En toi et moi, péchés et misères, joies et peines du couple, deviennent une unique hostie à l’image du Christ.
Qu’en lui, et par Lui, avec Lui, soit enfin sanctifié l’amour d’un homme et d’une femme devenu Cantique d’actions de grâce, Messe à la gloire de Dieu ».
Faute de liturgie digne de Dieu dans nos paroisses, on se contentera donc de la messe au plumard (elle aussi reflet de la liturgie céleste si l’on suit les divagations de nos catholiques modernes). L’imagination débridée par de telles lectures, notre agrégé se lâche carrément lorsqu’il aborde l’«herméneutique des gestes amoureux». S’appuyant sur Lévinas et d’autres philosophes qui bénéficient du label Fnac, notre auteur commence par développer une «phénoménologie de la caresse» et du baiser. Puis l’on passe à une étude plus poussée, celle de la pénétration : « Le sexe masculin est tout entier ordonné à la pénétration et au don du sperme. L’homme est tourné vers l’extérieur de lui-même et donne avec son corps quelque chose de très intime, de très précieux, support de son identité génétique. Dans le coït, ce qui est donné de plus concret, c’est le sperme. Pour l’homme, donner son sperme, c’est se donner, c’est donner son intimité. Avec audace et réalisme, saint Jean Chrysostome parle du sperme comme de “l’or le plus pur”, “un parfum liquide”. C’est dire à quel point le coït est vécu comme un don très précieux. Le coït révèle aussi une dynamique centrifuge où il s’agit de lancer un projectile dans un lieu précis, un réceptacle adéquat. En projetant la semence à l’extérieur de soi, l’homme est l’origine d’une transformation au plus intime du corps de la femme (…) Enfin le plaisir sexuel masculin est localisé, bref tout entier centré sur le moment objectif de l’éjaculation qui en est comme la raison d’être...etc…»
Il est noter que le propos attribué à Jean Chrysostome est tiré du bouquin foireux de O. Florant, «La liturgie de l’orgasme». La source authentique reste donc à vérifier. Mêler les détails les plus intimes du sexe au donné théologique est assez caractéristique de la nouvelle manière de concevoir le Mystère chez les catholiques modernes. Lapinos sur son blog citait dernièrement un passage d’un écrivain dont les ouvrages bénéficient eux du label «La préférence-La Procure» : Fabrice Hadjadj. La seule réaction que suscite un tel texte, c’est le dégoût : « Au commencement, avant de créer le monde, Dieu pensait au sexe d'une femme. Est-ce le secret de son anatomie en coupe faciale : une sorte de croix avec un triangle sur la pointe au centre ? La chose est probable, mais ce qui est sûr, c'est que le Père, pensant d'abord à cet Adam dont son fils assumerait la nature jusqu'à la mort la plus douloureuse, ne pouvait pas ne pas songer en même temps à ce qui serait sa première résidence : l'utérus de la Vierge (...) »
Il est donc évident à la lecture de tels textes que le catholicisme français moderne est une abomination. Il a fallu tout saccager, tout détruire, et en particulier la liturgie, pour aboutir à un tel naufrage de l’intelligence chrétienne.