Lors de son discours de Ratisbonne, le pape a abordé une question très importante, celle du volontarisme de Scot et Occam, qui a rompu avec l’aristotélisme d’Aristote et des Docteurs médiévaux. Pour prendre la mesure de la subversion opérée par leur école de pensée, il convient de se référer aux travaux du professeur André de Muralt, dont l’autorité en cette matière ne saurait être discutée. Il est l’auteur de la préface d’un ouvrage d’Alain Tornay, L’oubli du bien. La réponse de Lévinas, dont le chapitre sur la métaphysique d’Occam, premier post-scotiste majeur, constitue une synthèse de ses recherches. Alain de Tornay s’intéresse à la révolution épistémologique et éthique introduite par Scot et Occam. Leur conception de la toute-puissance divine laisse entendre que l’agir de Dieu n’est point ordonnée à la sagesse du bien. Le seul bien, selon eux, réside dans la volonté qui est pure efficience. Le bien n’est pas voulu parce qu’il est bon, il est bon parce que voulu. C’est ainsi que Dieu aurait pu instituer le mal comme seule voie du salut. La volonté occamienne est créatrice du bien. Le bien est ce qui est voulu. Comme le constate l’auteur, «il n’existe pas (dans cette conception) un ordre du bien que la sagesse ne peut que reconnaître, et vers lequel la volonté est inclinée de par sa nature et de par sa coordination avec la sagesse ou l’intellection. De soi la volonté divine est indifférente, et elle va radicalement poser le bien, qui ne sera tel qu’en vertu de cet acte volontaire. Ainsi en va-t-il du bien que Dieu a voulu pour l’homme…Est-il préférable d’aimer ou de haïr, Dieu ou son prochain ? Il se trouve que ce que Dieu a posé, c’est qu’il est bon et méritoire d’aimer Dieu et son prochain. Mais Dieu, de potentia absoluta, aurait fort bien pu établir que ce qui est bon et condition de salut c’est de haïr plutôt que d’aimer, Dieu et son prochain…On comprend ainsi comment la haine pourrait tout aussi bien être commandée, et posée comme méritant le salut, que l’amour». L’auteur cite un passage de saint Thomas qui permet de rendre compte du caractère insidieux de la position occamienne : «Dire que ce qui est juste dépend de la simple volonté de Dieu (non de son intelligence), c’est dire que la volonté divine ne procède pas selon l’ordre de la sagesse ; ce qui est un blasphème» (De Veritate, 23,6)
Alain de Tornay montre que leur structure de pensée a eu des répercussions en droit naturel et en philosophie politique. Si ce sujet vous intéresse, je vous conseille la lecture d'un essai récent d’André de Muralt, paru chez Vrin, L'unité de la philosophie politique : De Scot, Occam et Suarez, au libéralisme contemporain. Elle a également affecté la conception de la liberté humaine, que ces philosophes de la fin du Moyen Âge posent comme extérieure à tout ordre naturel, «à toute ordination de nature vers un bien qui, cause finale, serait la voie et la garantie de la vérité morale et du bonheur ». Pour André de Muralt, cette notion de la volonté et de la liberté préfigure la liberté existentialiste, en deçà, elle aussi, de toute détermination intelligente : «Occam, écrit-il, pense la liberté divine comme Sartre la liberté humaine».
L'oubli du bien La réponse de Lévinas, Slatkine, 1999
Alain de Tornay montre que leur structure de pensée a eu des répercussions en droit naturel et en philosophie politique. Si ce sujet vous intéresse, je vous conseille la lecture d'un essai récent d’André de Muralt, paru chez Vrin, L'unité de la philosophie politique : De Scot, Occam et Suarez, au libéralisme contemporain. Elle a également affecté la conception de la liberté humaine, que ces philosophes de la fin du Moyen Âge posent comme extérieure à tout ordre naturel, «à toute ordination de nature vers un bien qui, cause finale, serait la voie et la garantie de la vérité morale et du bonheur ». Pour André de Muralt, cette notion de la volonté et de la liberté préfigure la liberté existentialiste, en deçà, elle aussi, de toute détermination intelligente : «Occam, écrit-il, pense la liberté divine comme Sartre la liberté humaine».
L'oubli du bien La réponse de Lévinas, Slatkine, 1999