Une recension de mon essai sur la Réversibilité est parue dans le Bulletin de la Société J.-K. Huysmans n°100. On la doit à Christian Berg, professeur de littérature à l’Université d’Anvers. Vous pouvez la lire ci-dessous. Je signale aux lecteurs étrangers que l’essai est maintenant disponible sur amazon.com : cliquez ici, ainsi que les livres de Frank-Duquesne (vous pouvez les rechercher par titres)
Compte rendu
Disons d'emblée que ce livre, issu d'une thèse de doctorat soutenue en juin 2006 à l'université Paris-Sorbonne sous la direction d'André Guyaux, est un livre militant. Il s'agit ni plus ni moins de réhabiliter, dans la perspective d'un christianisme sacrificiel, l'idée de réversibilité, principe découlant du dogme de la communion des saints et selon lequel les mérites et-ou les souffrances du saint ou du juste profitent au pécheur ou au coupable. Joseph de Maistre, on le sait, en a fait le fondement d'une théorie qui sous-tend toute son œuvre. Aussi l'auteur des Soirées de Saint-Pétersbourg constitue-t-il le point de départ de cette étude. Mais pour Nicolas Mulot, la théorie de la réversibilité est inclusive : elle s'enrichit, chemin faisant, d'un large éventail de notions religieuses comme la substitution, la réparation, le sacrifice, la justice divine, la propitiation et s'élargit à des notions telles que le symbolisme universel, la solidarité entre l'homme et la nature, entre le microcosme et le macrocosme. Notion donc éminemment évolutive et qui ne peut faire l'objet d'une formulation définitive. À ce titre, elle reste «le grand mystère de l'univers» - la formule est de Joseph de Maistre - et doit être considérée, selon Nicolas Mulot, «avec l'œil de la foi, car elle se confond avec le mystère du Christ» (p. 358) et de la Rédemption.
Cette acception peu restrictive du terme nous vaut un parcours capricieux, mais somme toute passionnant, qui comprend aussi, outre des auteurs comme Maistre, Saint-Martin, Saint-Bonnet, Baudelaire, Bloy, Barbey, Dostoïevski, Claudel, Rebatet, Georges et Michel Bernanos, Massignon, Guitton, des cinéastes comme Capra et Tarkovski. Quelques théologiens ou penseurs chrétiens sont appelés à la rescousse, comme Urs von Balthasar, Zundel, Frank-Duquesne ou Boulgakov. Ce parcours débouche sur les grandes questions de notre temps, comme la mondialisation et l'écologie.
Il est surprenant de constater que l'auteur de Sainte Lydwine de Schiedam y tient aussi peu de place. Nicolas Mulot estime en effet que la conception qu' a Huysmans de la réversibilité «est gâtée par une tendance à la caricature et à la simplification qui n'est pas exempte de naïveté» (p. 49). En particulier, il reproche à l'auteur de La Cathédrale d'être «passé à côté» d'un aspect essentiel de la messe, à savoir «sa finalité propitiatoire» (p. 28). Certes, l'appréhension huysmansienne de la liturgie est avant tout esthétique, mais il est peu probable que la dimension propitiatoire de la messe lui soit restée étrangère, alors que la portée sacrificielle de sa foi ne fait aucun doute.
Christian Berg
Compte rendu
Disons d'emblée que ce livre, issu d'une thèse de doctorat soutenue en juin 2006 à l'université Paris-Sorbonne sous la direction d'André Guyaux, est un livre militant. Il s'agit ni plus ni moins de réhabiliter, dans la perspective d'un christianisme sacrificiel, l'idée de réversibilité, principe découlant du dogme de la communion des saints et selon lequel les mérites et-ou les souffrances du saint ou du juste profitent au pécheur ou au coupable. Joseph de Maistre, on le sait, en a fait le fondement d'une théorie qui sous-tend toute son œuvre. Aussi l'auteur des Soirées de Saint-Pétersbourg constitue-t-il le point de départ de cette étude. Mais pour Nicolas Mulot, la théorie de la réversibilité est inclusive : elle s'enrichit, chemin faisant, d'un large éventail de notions religieuses comme la substitution, la réparation, le sacrifice, la justice divine, la propitiation et s'élargit à des notions telles que le symbolisme universel, la solidarité entre l'homme et la nature, entre le microcosme et le macrocosme. Notion donc éminemment évolutive et qui ne peut faire l'objet d'une formulation définitive. À ce titre, elle reste «le grand mystère de l'univers» - la formule est de Joseph de Maistre - et doit être considérée, selon Nicolas Mulot, «avec l'œil de la foi, car elle se confond avec le mystère du Christ» (p. 358) et de la Rédemption.
Cette acception peu restrictive du terme nous vaut un parcours capricieux, mais somme toute passionnant, qui comprend aussi, outre des auteurs comme Maistre, Saint-Martin, Saint-Bonnet, Baudelaire, Bloy, Barbey, Dostoïevski, Claudel, Rebatet, Georges et Michel Bernanos, Massignon, Guitton, des cinéastes comme Capra et Tarkovski. Quelques théologiens ou penseurs chrétiens sont appelés à la rescousse, comme Urs von Balthasar, Zundel, Frank-Duquesne ou Boulgakov. Ce parcours débouche sur les grandes questions de notre temps, comme la mondialisation et l'écologie.
Il est surprenant de constater que l'auteur de Sainte Lydwine de Schiedam y tient aussi peu de place. Nicolas Mulot estime en effet que la conception qu' a Huysmans de la réversibilité «est gâtée par une tendance à la caricature et à la simplification qui n'est pas exempte de naïveté» (p. 49). En particulier, il reproche à l'auteur de La Cathédrale d'être «passé à côté» d'un aspect essentiel de la messe, à savoir «sa finalité propitiatoire» (p. 28). Certes, l'appréhension huysmansienne de la liturgie est avant tout esthétique, mais il est peu probable que la dimension propitiatoire de la messe lui soit restée étrangère, alors que la portée sacrificielle de sa foi ne fait aucun doute.
Christian Berg