Portrait de Mahomet par Jean Guitton ( Crises dans l’Eglise, chapire 4, l’Islam)
« Mahomet, orphelin pauvre de le tribu des Hachimites, avait épousé Khadija, une riche veuve, dont il eut la douce et tendre Fatima (Fatima, par son mariage ave Ali, donna naissance aux innombrables descendants de Mahomet). Vers l’âge de quarante ans, Mahomet, dégoûté des fétiches, avait adopté l’idée d’un Dieu unique. L’adolescent aux yeux de gazelle, aux cheveux noirs, commençait à s’empâter pour le dehors. Son esprit était labouré par une inquiétude profonde, qui se manifestait dans un balancement entre les contraires de sa nature, tantôt féroce jusqu’à la cruauté, ou rusée, tantôt éprise de Dieu et craignant le dernier jour, et même magnanime et tendre. M. Gaudefroy Demombynes dit que Mahomet avait les défauts et les qualités de notre temps. Et il signale aussi que, si Mahomet n’avait pas été avant tout un mystique, il n’aurait pu surmonter ses conflits intérieurs.
Ce songeur angoissé et violent, qui avait laissé se bercer l’esprit en lui au rythme des longues et lentes caravanes, fut saisi de la transe extatique, comme les sorciers l’étaient par les dijiins. Il crut ce qui s’énonçait en lui. Ainsi que les devins de l’Ancienne Arabie ou les nabis juifs, et les premiers mystiques chrétiens parlant ou écoutant des «langues inconnues» ( ou encore tel poète surréaliste, un Hugo à Guernesey évoquant les esprits), il reçut une révélation, qu’il eût l’audace et l’innocence de consigner telle quelle. Allah lui parle par Gabriel, assis sur un coussin de brocart et de soie. Mahomet grogne comme un jeune chameau. Et l’ange lui montre une étoffe où la révélation est écrite. L’Ange la lui lit. Mahomet la récite. Ainsi le livre, au lieu d’être comme chez les juifs composé par les prophètes et le sacerdoce, à longueur de siècles, fut reçu, parachutage céleste, dans l’instant absolu du désert.
Et ce ne fut pas la longue et lente et polyphonique expérience d’un Peuple comme dans la Bible juive, ni ce ne fut la parole publique de l’Envoyé comme dans l’Evangile, que Mahomet confia aux signes, mais le poème d’une âme, ou plutôt la transcription psychanalytique d’un inconscient inspiré personnel, avec pêle-mêle des vues dogmatiques et mystiques, des règles de politique, de sagesse et de morale, des confidences sur ses amours, des cris de guerre sainte, des images de la fin des temps, de l’enfer et du paradis. Et Mahomet, comme un Poète suprême ayant foi en tout ce qui vient de lui, transmit cette foi à son peuple ; la psalmodie du Coran, faite au hasard, devint le seul sacrement de ce peuple.
Etre abandonné au Dieu unique, croire que Mahomet est son prophète, cela excluait les deux contraires si visibles alors : celui du christianisme trinitaire , adorateur de Jésus – celui du paganisme idolâtre. L’Islam était un chemin de crête entre ces deux abîmes - prier, faire l’aumône, jeûner, pérégriner : les commandements sont précis, nets ; pas besoin de commentaire. La morale consistait dans le secours donné aux frères de même race. Elle laissait tout espérer à l’ami, tout craindre à l’ennemi. On dira que c’était une morale accommodante : certes elle l’était pour les sens et les violences de la guerre ; non pour la justice, l’hospitalité, la libération éventuelle de l’esclave. Et elle ne facilitait guère l’union à Dieu, parce qu’elle laissait la conscience solitaire, sans guides, sans médiateurs, sans concepts théologiques devant le Dieu unique et infini…. »
« Mahomet, orphelin pauvre de le tribu des Hachimites, avait épousé Khadija, une riche veuve, dont il eut la douce et tendre Fatima (Fatima, par son mariage ave Ali, donna naissance aux innombrables descendants de Mahomet). Vers l’âge de quarante ans, Mahomet, dégoûté des fétiches, avait adopté l’idée d’un Dieu unique. L’adolescent aux yeux de gazelle, aux cheveux noirs, commençait à s’empâter pour le dehors. Son esprit était labouré par une inquiétude profonde, qui se manifestait dans un balancement entre les contraires de sa nature, tantôt féroce jusqu’à la cruauté, ou rusée, tantôt éprise de Dieu et craignant le dernier jour, et même magnanime et tendre. M. Gaudefroy Demombynes dit que Mahomet avait les défauts et les qualités de notre temps. Et il signale aussi que, si Mahomet n’avait pas été avant tout un mystique, il n’aurait pu surmonter ses conflits intérieurs.
Ce songeur angoissé et violent, qui avait laissé se bercer l’esprit en lui au rythme des longues et lentes caravanes, fut saisi de la transe extatique, comme les sorciers l’étaient par les dijiins. Il crut ce qui s’énonçait en lui. Ainsi que les devins de l’Ancienne Arabie ou les nabis juifs, et les premiers mystiques chrétiens parlant ou écoutant des «langues inconnues» ( ou encore tel poète surréaliste, un Hugo à Guernesey évoquant les esprits), il reçut une révélation, qu’il eût l’audace et l’innocence de consigner telle quelle. Allah lui parle par Gabriel, assis sur un coussin de brocart et de soie. Mahomet grogne comme un jeune chameau. Et l’ange lui montre une étoffe où la révélation est écrite. L’Ange la lui lit. Mahomet la récite. Ainsi le livre, au lieu d’être comme chez les juifs composé par les prophètes et le sacerdoce, à longueur de siècles, fut reçu, parachutage céleste, dans l’instant absolu du désert.
Et ce ne fut pas la longue et lente et polyphonique expérience d’un Peuple comme dans la Bible juive, ni ce ne fut la parole publique de l’Envoyé comme dans l’Evangile, que Mahomet confia aux signes, mais le poème d’une âme, ou plutôt la transcription psychanalytique d’un inconscient inspiré personnel, avec pêle-mêle des vues dogmatiques et mystiques, des règles de politique, de sagesse et de morale, des confidences sur ses amours, des cris de guerre sainte, des images de la fin des temps, de l’enfer et du paradis. Et Mahomet, comme un Poète suprême ayant foi en tout ce qui vient de lui, transmit cette foi à son peuple ; la psalmodie du Coran, faite au hasard, devint le seul sacrement de ce peuple.
Etre abandonné au Dieu unique, croire que Mahomet est son prophète, cela excluait les deux contraires si visibles alors : celui du christianisme trinitaire , adorateur de Jésus – celui du paganisme idolâtre. L’Islam était un chemin de crête entre ces deux abîmes - prier, faire l’aumône, jeûner, pérégriner : les commandements sont précis, nets ; pas besoin de commentaire. La morale consistait dans le secours donné aux frères de même race. Elle laissait tout espérer à l’ami, tout craindre à l’ennemi. On dira que c’était une morale accommodante : certes elle l’était pour les sens et les violences de la guerre ; non pour la justice, l’hospitalité, la libération éventuelle de l’esclave. Et elle ne facilitait guère l’union à Dieu, parce qu’elle laissait la conscience solitaire, sans guides, sans médiateurs, sans concepts théologiques devant le Dieu unique et infini…. »