Cet article est accompagné d’un texte d’Albert Frank-Duquesne, proposé ci-dessous en format PDF…
Parmi les écrivains catholiques, Albert Frank-Duquesne (1896-1955) fut sans doute le plus qualifié pour traiter du « problème juif ». Fils d’un rabbin converti en 1864 au catholicisme, descendant par la lignée paternelle de Jacob Frank, le mystique antitalmoudique du 18e siècle, et, par sa grand-mère maternelle de Henri Heine, initié dès sa plus tendre enfance à la pensée biblique et à la tradition rabbinique, disciple du maître-hébraïsant Paul Vulliaud, Frank-Duquesne n’a eu de cesse tout au long de sa vie de scruter les innombrables confluents de la question juive. Il réunissait en sa personne des dispositions physiques et psychiques, les conditions sine qua non, pour faire naître cette «mentalité biblique» qui le caractérisait tout entier. Claudel voyait sa vie comme une parabole, comme «une prophétie de l’Israël réconcilié et des richesses qu’avec lui, du fond de son douloureux exode, il rapportera à l’Eglise».
Frank-Duquesne était familiarisé avec la Kabbale, les Targoumim, les Midraschim des Livres saints de l’ancien Testament, le Talmud. Cette connaissance approfondie lui permettait de juger sévèrement certaines doctrines et tendances courantes du rabbinisme. Dans son Satan publié en 1948 par les Etudes Carmélitaines, et réédité en 2007 par les Editions de Sombreval, il a montré, en se basant sur la littérature rabbinique des siècles devançant et suivant l’Incarnation, que le Messie conçu par la théologie populaire juive réalisait exactement les prouesses que l’Evangile nous présente comme les tentations mêmes du Diable au désert : « Certains des thèmes, écrit-il, que développe le récit évangélique de la Tentation avaient effleuré la pensée juive, mais dans un esprit nettement contre-évangélique ! Ce que Jésus repousse comme suggestion diabolique, c’est ce que qui, pour les rabbins, doit précisément manifester la dignité messianique. Le Messie du Judaïsme, au premier siècle de notre ère, est donc l’Antéchrist des Evangiles ». La théologie juive précédant la venue du messie reflétait l’endurcissement, la sclérose de l’Israël simplement charnel.
Frank-Duquesne a écrit deux textes sur la question juive qui, selon lui, ne peut être envisagée que selon deux perspectives : le naturel et le surnaturel. Le premier texte que nous vous proposons au format PDF, intitulé L’Éternelle actualité du problème juif (1951), examine l’aspect « surnaturel » du problème. Il s’agit pour l’écrivain de dévoiler le sens transhistorique du destin juif sous l’Ancienne Alliance, d’expliquer pourquoi Dieu a choisi Israël pour être son témoin dans le monde antique. Il s’emploie également à démontrer que la littérature affirmant la conversion nationale des juifs «à la fin des temps» est tirée, par extrapolation, d’un verset isolement pris et mal traduit de l’Epître aux Romains, auquel s’opposent d’autres textes pauliniens. Cette interprétation fausse, reposant sur un seul verset de saint Paul, est contraire à toute la perspective paulinienne du destin juif, telle qu’on peut l’inférer de nombreux autres passages...
L'intégralité du texte figure dans ma bibliothèque numérique.
Il contient des passages admirables : la méditation sur les Psaumes « où se dévoile le tout de l’âme juive », l’étude symbolique du rite de la circoncision etc…mais aussi des vues très originales sur le destin juif, des commentaires inspirés de certains textes rabbiniques, de plusieurs épîtres de saint Paul. Ses aperçus sur le péché originel (p.10) sont également du plus haut intérêt. Elles éclaircissent la notion de communio peccatorum que j’ai développée dans ma thèse sur la réversibilité (deuxième partie…), la notion d’ «hérédité» telle que la conçoivent Maistre, Bernanos etc… On pourrait les relier à ces quelques lignes du R.P Rondet, citées par Frank-Duquesne dans Cosmos et Gloire et qui ont trait au « mystère du péché originel » (titre de l’ouvrage du Révérend Père, 1943) : « Nous ne sommes pas de purs esprits…en nous la personne s’enracine dans une nature qui revêt en chaque homme une modalité particulière. Cette solidarité mystérieuse est une et multiple à la fois ; elle affecte directement notre corps, indirectement notre âme ; car il ne faut pas se lasser de mettre en relief ce que l’un des meilleurs interprètes de saint Thomas appelle le caractère physique de notre âme. Concrètement, nous ne sommes pas des hommes, mais des français, des Espagnols, des Lorrains et des Bourguignons …Notre race, notre terroir, le moment historique où nous sommes nés, influent sur notre être le plus profond…Nous sommes certes tous égaux, tous appelés à la vie éternelle, à la même liberté spirituelle, mais nous appartenons d’abord à un climat physique et spirituel défini…La famille dans laquelle nous sommes nés nous a imprégnés de son esprit ; elle nous a imposés ses qualités et ses défauts, bien avant que nous ne fussions capables de lui opposer la moindre résistance et même d’en prendre conscience […] Dans mes déterminations les plus libres, je suis emporté par mon hérédité spirituelle ; en moi habitent une famille, une race, une civilisation, qui sont à la fois bonnes et mauvaises, saintes et pécheresses…L’univers qui m’entoure, le milieu où je vis, m’attirent ou me répugnent souvent moins à cause de préférences personnelles qu’à cause d’un déterminisme intérieur qui compose subtilement avec ma liberté. Lorsque je dis : J’aime ou je hais, suis-je bien sûr que celui qui dit : je, n’est pas un autre qui habite en moi ? »
Parmi les écrivains catholiques, Albert Frank-Duquesne (1896-1955) fut sans doute le plus qualifié pour traiter du « problème juif ». Fils d’un rabbin converti en 1864 au catholicisme, descendant par la lignée paternelle de Jacob Frank, le mystique antitalmoudique du 18e siècle, et, par sa grand-mère maternelle de Henri Heine, initié dès sa plus tendre enfance à la pensée biblique et à la tradition rabbinique, disciple du maître-hébraïsant Paul Vulliaud, Frank-Duquesne n’a eu de cesse tout au long de sa vie de scruter les innombrables confluents de la question juive. Il réunissait en sa personne des dispositions physiques et psychiques, les conditions sine qua non, pour faire naître cette «mentalité biblique» qui le caractérisait tout entier. Claudel voyait sa vie comme une parabole, comme «une prophétie de l’Israël réconcilié et des richesses qu’avec lui, du fond de son douloureux exode, il rapportera à l’Eglise».
Frank-Duquesne était familiarisé avec la Kabbale, les Targoumim, les Midraschim des Livres saints de l’ancien Testament, le Talmud. Cette connaissance approfondie lui permettait de juger sévèrement certaines doctrines et tendances courantes du rabbinisme. Dans son Satan publié en 1948 par les Etudes Carmélitaines, et réédité en 2007 par les Editions de Sombreval, il a montré, en se basant sur la littérature rabbinique des siècles devançant et suivant l’Incarnation, que le Messie conçu par la théologie populaire juive réalisait exactement les prouesses que l’Evangile nous présente comme les tentations mêmes du Diable au désert : « Certains des thèmes, écrit-il, que développe le récit évangélique de la Tentation avaient effleuré la pensée juive, mais dans un esprit nettement contre-évangélique ! Ce que Jésus repousse comme suggestion diabolique, c’est ce que qui, pour les rabbins, doit précisément manifester la dignité messianique. Le Messie du Judaïsme, au premier siècle de notre ère, est donc l’Antéchrist des Evangiles ». La théologie juive précédant la venue du messie reflétait l’endurcissement, la sclérose de l’Israël simplement charnel.
Frank-Duquesne a écrit deux textes sur la question juive qui, selon lui, ne peut être envisagée que selon deux perspectives : le naturel et le surnaturel. Le premier texte que nous vous proposons au format PDF, intitulé L’Éternelle actualité du problème juif (1951), examine l’aspect « surnaturel » du problème. Il s’agit pour l’écrivain de dévoiler le sens transhistorique du destin juif sous l’Ancienne Alliance, d’expliquer pourquoi Dieu a choisi Israël pour être son témoin dans le monde antique. Il s’emploie également à démontrer que la littérature affirmant la conversion nationale des juifs «à la fin des temps» est tirée, par extrapolation, d’un verset isolement pris et mal traduit de l’Epître aux Romains, auquel s’opposent d’autres textes pauliniens. Cette interprétation fausse, reposant sur un seul verset de saint Paul, est contraire à toute la perspective paulinienne du destin juif, telle qu’on peut l’inférer de nombreux autres passages...
L'intégralité du texte figure dans ma bibliothèque numérique.
Il contient des passages admirables : la méditation sur les Psaumes « où se dévoile le tout de l’âme juive », l’étude symbolique du rite de la circoncision etc…mais aussi des vues très originales sur le destin juif, des commentaires inspirés de certains textes rabbiniques, de plusieurs épîtres de saint Paul. Ses aperçus sur le péché originel (p.10) sont également du plus haut intérêt. Elles éclaircissent la notion de communio peccatorum que j’ai développée dans ma thèse sur la réversibilité (deuxième partie…), la notion d’ «hérédité» telle que la conçoivent Maistre, Bernanos etc… On pourrait les relier à ces quelques lignes du R.P Rondet, citées par Frank-Duquesne dans Cosmos et Gloire et qui ont trait au « mystère du péché originel » (titre de l’ouvrage du Révérend Père, 1943) : « Nous ne sommes pas de purs esprits…en nous la personne s’enracine dans une nature qui revêt en chaque homme une modalité particulière. Cette solidarité mystérieuse est une et multiple à la fois ; elle affecte directement notre corps, indirectement notre âme ; car il ne faut pas se lasser de mettre en relief ce que l’un des meilleurs interprètes de saint Thomas appelle le caractère physique de notre âme. Concrètement, nous ne sommes pas des hommes, mais des français, des Espagnols, des Lorrains et des Bourguignons …Notre race, notre terroir, le moment historique où nous sommes nés, influent sur notre être le plus profond…Nous sommes certes tous égaux, tous appelés à la vie éternelle, à la même liberté spirituelle, mais nous appartenons d’abord à un climat physique et spirituel défini…La famille dans laquelle nous sommes nés nous a imprégnés de son esprit ; elle nous a imposés ses qualités et ses défauts, bien avant que nous ne fussions capables de lui opposer la moindre résistance et même d’en prendre conscience […] Dans mes déterminations les plus libres, je suis emporté par mon hérédité spirituelle ; en moi habitent une famille, une race, une civilisation, qui sont à la fois bonnes et mauvaises, saintes et pécheresses…L’univers qui m’entoure, le milieu où je vis, m’attirent ou me répugnent souvent moins à cause de préférences personnelles qu’à cause d’un déterminisme intérieur qui compose subtilement avec ma liberté. Lorsque je dis : J’aime ou je hais, suis-je bien sûr que celui qui dit : je, n’est pas un autre qui habite en moi ? »