L'unité des chrétiens



L'unité des chrétiens
« Le patriarche de Moscou et de toutes les Russies Alexis II, chef de l'Eglise orthodoxe russe, a appelé lundi à la restauration de l'unité de tous les chrétiens au sein d'une seule Eglise. En dépit de la complexité de ce problème, nous, les orthodoxes, ne devons pas abandonner nos efforts pour rétablir l'unité de tous les chrétiens au sein d'une seule sainte Eglise universelle et apostolique » a dit Alexis II en ouvrant à Moscou une conférence internationale intitulée "l'enseignement orthodoxe sur l'Eglise" (source Yahoo)

A la lecture de cette dépêche, mes pensées se sont tout de suite tournées vers Nicolas Berdiaev et le Père Serge Boulgakov (mort en 1944) économiste marxiste, retourné à la foi et à la tradition orthodoxe, auteur de nombreux ouvrages théologiques et en particulier Sous les remparts de Chersonèse dans lequel il prône le rapprochement de l'Eglise orthodoxe russe avec l'Eglise catholique romaine...

Pour Berdiaev l’unité chrétienne (des orthodoxes et des catholiques en premier lieu) serait seule capable de réaliser la synthèse créatrice du social et du spirituel . Comme le remarque avec justesse Olivier Clément dans l’essai qu’il a consacré au philosophe russe, « le christianisme occidental a un sens aigu de l’engagement historique, de l’activité sociale, mais ignore partiellement la puissance de la « déification » qui seule pourrait féconder ou fonder cet engagement et cette activité. L’orthodoxie par contre connaît les voies de la déification individuelle qui s’accomplit dans la vie des saints ( cf : songez chers lecteurs à la mystique de la Lumière de saint Syméon le Nouveau Théologien, la quintessence de la spiritualité orthodoxe qui se fonde sur une théologie centrée sur la transfiguration du monde et la déification de l’homme), voie qui ne débouche pas sur la route de l’histoire, de la vie sociale. Seul le rapprochement de ces deux moitiés du christianisme, conclut Berdiaev pourra « manifester la force religieuse créatrice potentiellement contenue dans l’orthodoxie […]. Alors se réalisera aussi la « grande mission créatrice du catholicisme avec tout son élan ». Et « commencera une immense renaissance religieuse, une renaissance mondiale dont beaucoup ont aujourd’hui la nostalgie »…
Et le théologien orthodoxe de conclure : « Plus que jamais la vision synthétique de Berdiaev serait indispensable pour surmonter l’opposition des intégrismes et des progressismes, de la « ghettoïsation » du christianisme et de sa dissolution dans l’esprit du temps. C’est à nous qu’il appartient de reprendre et d'élargir cette rencontre. Somme toute les conditions sont aujourd’hui bien meilleures. La renaissance néo-patristique permet aujourd’hui d’intégrer et de rectifier les intuitions des philosophes religieux russes. Le second concile du Vatican, même si son esprit se voile quelque peu, et le travail patient d’un œcuménisme trop souvent méconnu ont ouvert l’Occident au témoignage de l’Orthodoxie. Et la Russie maintenant découvre l’occident, découverte dont il ne faut pas avoir peur mais qu’il faut pousser jusqu’au bout, jusqu’au bout de cette « terrible liberté » dont parlaient Berdiaev et Marcel Moré " ( Olivier Clément, Berdiaev, Desclée, p.119)

L'unité des chrétiens
Revenons maintenant à l’ouvrage de Serge Boulgakov, Sous les remparts de Chersonèse, dont je vous recommande chaudement la lecture. Voici quelques extraits d’une excellente recension, lue sur le site Esprit et Vie :

" La méditation d'ensemble peut se placer sous le signe de la formule mise en sous-titre de l'introduction ; « la tentation catholique d'un théologien orthodoxe » (p 5). La méditation, nous ne le cacherons pas, est d'une extrême profondeur ; on ne peut lire ce livre à la légère. Chaque page sollicite la réflexion
La raison en est que la situation où vivent les dialoguistes est dramatique pour la chrétienté russe (nous sommes en 1922). La traditionnelle foi orthodoxe de tout un peuple vient d'être bousculé par la révolution marxiste et son matérialisme radical. La « sainte Russie » va-t-elle disparaître ? Ou bien peut-elle profiter des circonstances pour renaître ? Cette méditation religieuse a été reçue en 1922, il y a près de quatre-vingts ans. Les éditions suisses Ad Solem ont cru bon d'éditer enfin ce volume, en 1991. C'est l'édition, en français, de ce volume, en 1999, que nous commenterons. Son actualité reste stupéfiante. La chute de la dictature communiste, à partir des années 1989, redonne toute son actualité et sa vigueur à ce texte. La « sainte Russie » va-t-elle pouvoir renaître ? C'est la question dont on retrouve l'actualité, avec la question qui reste sous-jacente ; le rapprochement avec Rome reste-t-il possible ?
Il faut tout de même que le lecteur catholique actuel sache que les approches romaines que manifeste l'auteur (en 1922) n'auront pas chez lui d'autres suites. L'auteur fera, malheureusement, des rencontres malencontreuses - au cours des année 30 - avec des représentants de l'Église catholique qui le déconcerteront ; il s'agira, en fait, de représentants catholiques de tendance intégriste (quelques jésuites) ; et le comportement de l'Église catholique autrichienne, face au nazisme, le déconcertera. Malgré ces déboires, le texte de BOULGAKOV, de 1922, reste porteur de bien des espoirs »
[...] L'orthodoxie russe invite à « quitter le monde » (p. 47). C'est une erreur. Il faut regarder ce que fait l'Église catholique à ce sujet. Elle cherche à obtenir une « christianisation » du monde. À son exemple, nous devons nous émanciper des pouvoirs politiques, celui de l'empereur… et demain celui du Soviet suprême. Mais il ne faut pas rompre avec la vie politique ; il faut la pénétrer d'esprit chrétien..(cf : à mettre en parallèle avec les analyses de Berdiaev..)
Si l'Église de Russie redevenait romaine, il faudrait bien la « dérussifier ». Nos différends avec Rome peuvent se régler ; nous pouvons adopter, finalement, le filioque, nous pouvons reconnaître une autorité, toute morale, du pape, en tant que successeur de Pierre (p. 249)

Dans cet ouvrage BOULGAKOV attribue la rupture à l'Église russe. « Après Florence écrit-il, les Orientaux restent, je le répète, coupable de schisme ; les schismatiques ce sont eux, c'est-à-dire nous, et non les Occidentaux » (p. 210). Il va même jusqu'à dire : « Dogmatiquement, le pape est infaillible » (p. 211). Dès lors, si on continue à le reconnaître, pourquoi ne pas retrouver l'unité ? Il ne s'agirait d'ailleurs pas d'une opération de « rattachement », mais, plus profondément, la reconnaissance par tous, Orientaux et Occidentaux, de leur appartenance à « l'Église du Christ, une et indivisible » (p. 215). « Ne nous obstinons pas à refuser le concile de Florence. Laissons-nous guider, dans notre mouvement vers l'unité, par l'exemple des saints ; nos grands saints, tant orientaux qu'occidentaux ont vécu déjà cette unité spirituelle. Ils appartiennent à l'Église universelle..."

L'article dans son intégralité

17/11/2004
Sombreval

Tags : FSSPX




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