Avec cet article s’achève le cycle Soloviev. Mais avant de passer à autre chose je souhaite revenir sur le thème de l’amour qui a inspiré des pages lumineuses au philosophe russe (voir mon article, Des saints nouveaux où j'expose sa conception). Ce thème occupe une place centrale dans l’esthétique élaboré par Soloviev. L’amour, dans sa vision, doit être soumis à l’activité créatrice de l’homme et tendre à la transfiguration du monde. Maxime Herman dans son essai, Soloviev, Sa vie et son œuvre présente ce système esthétique dans lequel l’Amour est l’élément essentiel : « Certaines formes d’art ( la sculpture par exemple) sont arrivées chez les Anciens à un point qu’elles ne peuvent plus dépasser. L’Europe a développé les autres jusqu’à leurs dernières limites : il faut donc qu’un nouveau champ d’action s’ouvre à l’artiste ; il faut qu’il ne se contente plus de spiritualiser en imagination la réalité. Les peuples de l’Europe moderne ont épuisé toutes les variétés d’art que nous connaissons ; si l’Art doit avoir encore un avenir, ce sera pour Soloviev dans une toute autre sphère : il devra transformer véritablement la réalité […] L’être humain véritable n’est ni homme ni femme, il est une synthèse de l’un et de l’autre, synthèse que l’amour doit réaliser et à laquelle il doit donner un contenu absolu, le Royaume de Dieu. En idéalisant l’être aimé, on ne se laisse pas aller à une illusion : on voit au contraire en lui l’image de Dieu. Nous devons transformer la réalité selon cette image qu’il nous faut incarner dans le réel, accomplissant ainsi une très haute œuvre d’art. L’homme crée son complément féminin, comme dieu crée le monde et le Christ son Eglise […] »
Pour éclairer cette courte présentation, je vous propose ce passage tiré du traité de philosophie morale de Vladimir Soloviev, La justification du bien, une œuvre majeure que beaucoup considèrent comme son chef-d’œuvre…
En vertu « de l’exaltation, de l’extase de l’amour, écrit-il, l’homme envisage la femme comme son complément naturel, son autre matériel, non comme elle apparaît à l’observation extérieure, comme la verraient des étrangers, mais il pénètre sa substance et son idée véritable, la voyant telle qu’elle a été depuis le début prédestinée à être, telle que Dieu la vit de toute éternité et telle qu’elle sera définitivement. La nature matérielle dans sa plus haute expression individuelle, la femme, est ici reconnue en vérité, comme possédant une importance absolue ; la femme est affirmée comme personnalité morale, comme une fin en soi, comme une entité susceptible de spiritualisation et de « déification ». De cette reconnaissance dérive l’obligation morale d’agir de manière à réaliser, dans cette femme actuelle et dans sa vie, ce qu’elle doit être. A cela correspond un caractère spécial de la forme la plus élevée de l’amour chez la femme : l’homme qu’elle a choisi lui apparaît comme son vrai sauveur destiné à lui révéler et à réaliser pour elle le sens de sa vie […]
Il va sans dire que dans une union conjugale parfaite, dans laquelle la plénitude intérieure de l’être humain est réalisée finalement par son union totale avec l’essence matérielle spiritualisée, la procréation n’est plus nécessaire, ni possible : elle n’est pas nécessaire parce que la tache suprême est accomplie, parce que le but final est atteint ; elle n’est plus possible, tout comme il est impossible, lorsqu’on superpose deux figures géométriques égales, qu’on obtienne un résidu de non-coïncidence. L’union conjugale parfaite, c’est le commencement d’une vie nouvelle, qui ne reproduit pas la vie du temps, mais qui la restitue pour l’éternité »
Pour éclairer cette courte présentation, je vous propose ce passage tiré du traité de philosophie morale de Vladimir Soloviev, La justification du bien, une œuvre majeure que beaucoup considèrent comme son chef-d’œuvre…
En vertu « de l’exaltation, de l’extase de l’amour, écrit-il, l’homme envisage la femme comme son complément naturel, son autre matériel, non comme elle apparaît à l’observation extérieure, comme la verraient des étrangers, mais il pénètre sa substance et son idée véritable, la voyant telle qu’elle a été depuis le début prédestinée à être, telle que Dieu la vit de toute éternité et telle qu’elle sera définitivement. La nature matérielle dans sa plus haute expression individuelle, la femme, est ici reconnue en vérité, comme possédant une importance absolue ; la femme est affirmée comme personnalité morale, comme une fin en soi, comme une entité susceptible de spiritualisation et de « déification ». De cette reconnaissance dérive l’obligation morale d’agir de manière à réaliser, dans cette femme actuelle et dans sa vie, ce qu’elle doit être. A cela correspond un caractère spécial de la forme la plus élevée de l’amour chez la femme : l’homme qu’elle a choisi lui apparaît comme son vrai sauveur destiné à lui révéler et à réaliser pour elle le sens de sa vie […]
Il va sans dire que dans une union conjugale parfaite, dans laquelle la plénitude intérieure de l’être humain est réalisée finalement par son union totale avec l’essence matérielle spiritualisée, la procréation n’est plus nécessaire, ni possible : elle n’est pas nécessaire parce que la tache suprême est accomplie, parce que le but final est atteint ; elle n’est plus possible, tout comme il est impossible, lorsqu’on superpose deux figures géométriques égales, qu’on obtienne un résidu de non-coïncidence. L’union conjugale parfaite, c’est le commencement d’une vie nouvelle, qui ne reproduit pas la vie du temps, mais qui la restitue pour l’éternité »