J'ai relu avec beaucoup d'émotion hier quelques pages du Paradis perdu de Milton. Je rédigerai sous peu une recension de cette œuvre, magnifiquement traduite par Chateaubriand. En attendant, je souhaite vous présenter quelques passages des amours d'Adam et Eve, épiés dans le jardin d'Eden par cette crapule de Satan, dont le nom, rappelons-le, signifie, l'"Adversaire". Milton, à travers ces belles pages, fait l'éloge de l'amour conjugal qu'il oppose à l'idéal catholique du célibat et de l'amour courtois qui est lié, la plupart du temps, à l'adultère. Le mariage raté est celui qui conduit à la répression de la sensualité. On peut être très chrétien et d'une nature très "érotique". J'en suis la preuve vivante. Je suis pieux, mais j'aime aussi qu'on me caresse partout (des cheveux aux pieds…j'adore les guilis aux pieds..Avis aux amatrices). C'est au sein d'un mariage chrétien que cette alliance de la foi, de la piété, du don et de l'érotisme peut s'accomplir. L'union conjugale étant ordonnée à la procréation, non pas subie mais voulue (Satan est l'ennemi de la "fécondité créatrice"), il faut évidement que les conditions sociales et morales soient réunies pour réaliser cette finalité intrinsèque du mariage. Ce qui n'est pas le cas dans notre société de la castration organisée, contre laquelle les chrétiens devraient mener une lutte sans merci...
Mon appétit de caresses ne doit pas me faire oublier ma vocation de procréateur :
«Dans la mesure où la communication de la vie n'a pour objet qu'elle-même, où elle est une fin (en tant qu'elle exprime la collaboration de l'homme avec le Créateur), non seulement elle est parfaite mais elle est vraie, sincère, droite, sans équivoque, ni adultère. Dieu crée par bonté; l'homme conforme à Dieu procrée par bonté, pour créer; si bien que la femme "opère son salut en accouchant" (Tim., 2.15) et qu'on peut appliquer au couple, la formule heureuse de saint Athanase : "sa munificence souveraine n'a voulu refuser l'être à rien de ce qui pouvait le recevoir.»(Frank-Duquesne)
Mais revenons à l'œuvre de Milton…Voici Adam et Eve au Jardin d'Eden où Satan, "l'ennemi vit sans plaisir tous ces plaisirs, toutes les créatures vivantes, nouvelles et étranges à la vue"…
" Deux d'entre elles, d'une forme bien plus noble, d'une stature droite et élevée, droite comme celle des Dieux, vêtues de leur dignité native dans une majesté nue, paraissaient les seigneurs de tout et semblaient dignes de l'être. Dans leurs regards divins brillait l'image de leur glorieux auteur, avec la raison, la sagesse, la sainteté sévère et pure, sévère, mais placée dans cette véritable liberté filiale qui fait la véritable autorité dans les hommes. Ces deux créatures ne sont pas égales, de même que leurs sexes ne sont pas pareils : lui formé pour la contemplation et le courage, elle pour la mollesse et la grâce séduisante ; lui pour Dieu seulement, elle pour Dieu en lui. Le beau et large front de l'homme et son œil sublime annoncent la suprême puissance ; ses cheveux d'hyacinthe, partagés sur le devant, pendent en grappes d'une manière mâle, mais non au-dessous de ses fortes épaules. La femme porte comme un voile sa chevelure d'or, qui descend éparse et sans ornement jusqu'à sa fine ceinture, se rouie en capricieux anneaux, comme la vigne replie ses attaches : symbole de dépendance, mais d'une dépendance demandée avec une douce autorité, par la femme accordée, par l'homme mieux reçue ; accordée une soumission contenue, un décent orgueil, une tendre résistance, un amoureux délai. Aucune partie mystérieuse de leur corps n'était alors cachée ; alors la honte coupable n'existait point : honte déshonnête des ouvrages de la nature, honneur déshonorable, enfant du péché, combien avez-vous troublé la race humaine avec des apparences, de pures apparences de pureté ! Vous avez banni de la vie de l'homme sa plus heureuse vie, la simplicité et l'innocence sans tache !
Ainsi passait le couple nu ; il n'évitait ni la vue de Dieu ni des anges, car il ne songeait point au mal : ainsi passait, en se tenant par la main, le plus beau couple qui depuis s'unit jamais dans les embrassements de l'amour : Adam, le meilleur des hommes, furent ses fils ; Eve, la plus belle des femmes, qui naquirent ses filles.
Sous un bouquet d'ombrage, qui murmure doucement sur un gazon vert, ils s'assirent au bord d'une limpide fontaine. Ils ne s'étaient fatigués au labeur de leur niant jardinage qu'autant qu'il le fallait pour rendre le frais zéphyr plus agréable, le repos plus paisible, la soif et la faim plus salutaires. Ils cueillirent les fruits de leur repas du soir ; fruits délectables, que leur cédaient les branches complaisantes, tandis qu'ils reposaient inclinés sur le mol duvet d'une couche damassée de fleurs. Ils suçaient des pulpes savoureuses, et à mesure qu'ils avaient soif, ils buvaient dans l'écorce des fruits l'eau débordante.
A ce festin ne manquaient ni les doux propos, ni les tendres rires, ni les jeunes caresses naturelles à des époux si beaux, enchaînés par l'heureux lien nuptial, et qui étaient seuls. Autour d'eux folâtraient les animaux de la terre, depuis devenus sauvages, et que l'on chasse dans les bois ou dans les déserts, dans les forêts ou dans les cavernes. Le lion en jouant se cabrait, et dans ses griffes berçait le chevreau ; les ours, les tigres, les léopards, les panthères gambadaient devant eux ; l'informe éléphant, pour les amuser, employait toute sa puissance et contournait sa trompe flexible ; le serpent rusé, s'insinuant tout auprès, entrelaçait en nœud gordien sa queue repliée, et donnait de sa fatale astuce une preuve non comprise. D'autre animaux, couchés sur le gazon et rassasiés de pâture, regardaient au hasard ou ruminaient à moitié endormis. Le soleil baissé hâtait sa carrière, inclinée vers les îles de l'Océan, et dans l'échelle ascendante du ciel les étoiles, qui introduisent la nuit, se levaient "….(Livre IV)
Quelques pages plus loin, nous découvrons que Satan est le type même de l'envieux, du jaloux, du coincé, du voyeur impuissant. Le désir sexuel existe en Enfer. Il est d'autant plus torturant que les damnés ne peuvent l'assouvir :
"... Ainsi parla notre commune mère, et avec des regards pleins d'un charme conjugal non repoussé, dans un tendre abandon, elle s'appuie embrassant à demi notre premier père ; la moitié de son sein gonflé et nu, caché sous l'or flottant de ses tresses éparses, vient rencontrer le sein de son époux. Lui, ravi de sa beauté et de ses charmes soumis, Adam sourit d'un amour supérieur, comme Jupiter sourit à Junon lorsqu'il féconde les nuages qui répandent les fleurs de mai ; Adam presse d'un baiser pur les lèvres de la mère des hommes. Le Démon détourne la tête d'envie, toutefois d'un œil méchant et jaloux il les regarde de côté, et se plaint ainsi à lui-même :
"- Vue odieuse, spectacle torturant ! Ainsi ces deux êtres emparadisés dans les bras l'un de l'autre, se formant un plus heureux Eden, posséderont leur pleine mesure de bonheur sur bonheur, tandis que moi je suis jeté à l'Enfer, où ne sont ni joie ni amour, mais où brûle un violent désir (de nos tourments, tourment qui n'est pas le moindre), désir qui, n'étant jamais satisfait, se consume dans le supplice de la passion"…
A lire : ma recension du poème de John Milton
Mon appétit de caresses ne doit pas me faire oublier ma vocation de procréateur :
«Dans la mesure où la communication de la vie n'a pour objet qu'elle-même, où elle est une fin (en tant qu'elle exprime la collaboration de l'homme avec le Créateur), non seulement elle est parfaite mais elle est vraie, sincère, droite, sans équivoque, ni adultère. Dieu crée par bonté; l'homme conforme à Dieu procrée par bonté, pour créer; si bien que la femme "opère son salut en accouchant" (Tim., 2.15) et qu'on peut appliquer au couple, la formule heureuse de saint Athanase : "sa munificence souveraine n'a voulu refuser l'être à rien de ce qui pouvait le recevoir.»(Frank-Duquesne)
Mais revenons à l'œuvre de Milton…Voici Adam et Eve au Jardin d'Eden où Satan, "l'ennemi vit sans plaisir tous ces plaisirs, toutes les créatures vivantes, nouvelles et étranges à la vue"…
" Deux d'entre elles, d'une forme bien plus noble, d'une stature droite et élevée, droite comme celle des Dieux, vêtues de leur dignité native dans une majesté nue, paraissaient les seigneurs de tout et semblaient dignes de l'être. Dans leurs regards divins brillait l'image de leur glorieux auteur, avec la raison, la sagesse, la sainteté sévère et pure, sévère, mais placée dans cette véritable liberté filiale qui fait la véritable autorité dans les hommes. Ces deux créatures ne sont pas égales, de même que leurs sexes ne sont pas pareils : lui formé pour la contemplation et le courage, elle pour la mollesse et la grâce séduisante ; lui pour Dieu seulement, elle pour Dieu en lui. Le beau et large front de l'homme et son œil sublime annoncent la suprême puissance ; ses cheveux d'hyacinthe, partagés sur le devant, pendent en grappes d'une manière mâle, mais non au-dessous de ses fortes épaules. La femme porte comme un voile sa chevelure d'or, qui descend éparse et sans ornement jusqu'à sa fine ceinture, se rouie en capricieux anneaux, comme la vigne replie ses attaches : symbole de dépendance, mais d'une dépendance demandée avec une douce autorité, par la femme accordée, par l'homme mieux reçue ; accordée une soumission contenue, un décent orgueil, une tendre résistance, un amoureux délai. Aucune partie mystérieuse de leur corps n'était alors cachée ; alors la honte coupable n'existait point : honte déshonnête des ouvrages de la nature, honneur déshonorable, enfant du péché, combien avez-vous troublé la race humaine avec des apparences, de pures apparences de pureté ! Vous avez banni de la vie de l'homme sa plus heureuse vie, la simplicité et l'innocence sans tache !
Ainsi passait le couple nu ; il n'évitait ni la vue de Dieu ni des anges, car il ne songeait point au mal : ainsi passait, en se tenant par la main, le plus beau couple qui depuis s'unit jamais dans les embrassements de l'amour : Adam, le meilleur des hommes, furent ses fils ; Eve, la plus belle des femmes, qui naquirent ses filles.
Sous un bouquet d'ombrage, qui murmure doucement sur un gazon vert, ils s'assirent au bord d'une limpide fontaine. Ils ne s'étaient fatigués au labeur de leur niant jardinage qu'autant qu'il le fallait pour rendre le frais zéphyr plus agréable, le repos plus paisible, la soif et la faim plus salutaires. Ils cueillirent les fruits de leur repas du soir ; fruits délectables, que leur cédaient les branches complaisantes, tandis qu'ils reposaient inclinés sur le mol duvet d'une couche damassée de fleurs. Ils suçaient des pulpes savoureuses, et à mesure qu'ils avaient soif, ils buvaient dans l'écorce des fruits l'eau débordante.
A ce festin ne manquaient ni les doux propos, ni les tendres rires, ni les jeunes caresses naturelles à des époux si beaux, enchaînés par l'heureux lien nuptial, et qui étaient seuls. Autour d'eux folâtraient les animaux de la terre, depuis devenus sauvages, et que l'on chasse dans les bois ou dans les déserts, dans les forêts ou dans les cavernes. Le lion en jouant se cabrait, et dans ses griffes berçait le chevreau ; les ours, les tigres, les léopards, les panthères gambadaient devant eux ; l'informe éléphant, pour les amuser, employait toute sa puissance et contournait sa trompe flexible ; le serpent rusé, s'insinuant tout auprès, entrelaçait en nœud gordien sa queue repliée, et donnait de sa fatale astuce une preuve non comprise. D'autre animaux, couchés sur le gazon et rassasiés de pâture, regardaient au hasard ou ruminaient à moitié endormis. Le soleil baissé hâtait sa carrière, inclinée vers les îles de l'Océan, et dans l'échelle ascendante du ciel les étoiles, qui introduisent la nuit, se levaient "….(Livre IV)
Quelques pages plus loin, nous découvrons que Satan est le type même de l'envieux, du jaloux, du coincé, du voyeur impuissant. Le désir sexuel existe en Enfer. Il est d'autant plus torturant que les damnés ne peuvent l'assouvir :
"... Ainsi parla notre commune mère, et avec des regards pleins d'un charme conjugal non repoussé, dans un tendre abandon, elle s'appuie embrassant à demi notre premier père ; la moitié de son sein gonflé et nu, caché sous l'or flottant de ses tresses éparses, vient rencontrer le sein de son époux. Lui, ravi de sa beauté et de ses charmes soumis, Adam sourit d'un amour supérieur, comme Jupiter sourit à Junon lorsqu'il féconde les nuages qui répandent les fleurs de mai ; Adam presse d'un baiser pur les lèvres de la mère des hommes. Le Démon détourne la tête d'envie, toutefois d'un œil méchant et jaloux il les regarde de côté, et se plaint ainsi à lui-même :
"- Vue odieuse, spectacle torturant ! Ainsi ces deux êtres emparadisés dans les bras l'un de l'autre, se formant un plus heureux Eden, posséderont leur pleine mesure de bonheur sur bonheur, tandis que moi je suis jeté à l'Enfer, où ne sont ni joie ni amour, mais où brûle un violent désir (de nos tourments, tourment qui n'est pas le moindre), désir qui, n'étant jamais satisfait, se consume dans le supplice de la passion"…
A lire : ma recension du poème de John Milton