Grand spectacle formaté
Otons tout d’abord de notre propos ce qui peut l’être facilement : le style visuel, narratif et la musique de Narnia. Il n’y a presque rien à en dire : ils sont formatés pour le genre « film familial à grand spectacle ». La musique est tonitruante et peu inspirée, comme c’est de règle dans le genre, malheureusement plus proche de Hans Zimmer que de John Williams. Un particularité : le slow rythmé par des percussions « world music », utilisé deux ou trois fois dans le film. Pour le reste, tutti d’orchestre.
Premier volet : so british
Le premier chapitre de « Narnia » est un film composite, qui commence très bien. Londres, 1940, Finchley, très exactement. Un bombardement. Pour une fois qu’un film sur la période nous épargne le résistant dans son placard qui sauve plein de petits Juifs, on ne va pas se plaindre. Un caractère essentiel, fondamental, de cette première partie nous est révélé : ceci est une histoire anglaise. De fait, la première heure est britishissime, à un point qui a fait sourire d’aise dans l’obscurité l’anglomane que je suis. Il faut absolument l’entendre en VO, pour l’accent à couper au couteau des acteurs. O dear, I’m afraid my tea is not quite warm. J’adoooore.
Comme les bombes, c’est dangereux, les quatre enfants héros du film sont acheminés vers un oncle de la campagne et une gouvernante dont on se demande si elle est taciturne ou simplement malveillante. Anglais, vous dis-je. A l’occasion d’une partie de cache-cache, les enfants découvrent l’armoire… puis Narnia et, dans l’ordre, la sorcière et le lion.
Les premières minutes dans le pays enchanté prolongent cette ambiance inexportable de « fantasy ». C’est la toute petite, Lucy, qui s’y aventure seule, et découvre un faune. Un peu surprise au début, elle s’accoutume vite à sa présence, ils vont ensemble boire du thé ; le faune aussi a l’accent anglais, et il est « not quite sure » : doit-il la kidnapper ? la laisser partir ? Bref, on reste du côté d’Alice au Pays des Merveilles, autre histoire so british.
La méchante sorcière apparaît ; elle est méchante juste ce qu’il faut – et elle me rappelle une collègue du bureau, mais ceci est une autre histoire.
Au fur et à mesure on apprend l’histoire du pays ; ensorcelé et gelé par la sorcière, il va être délivré par Aslan, qui prépare une armée pour récupérer son pays. Pour l’instant, « c’est toujours l’hiver et jamais Noël » : le film regorge de petites phrases ironiques ou bien senties qui plairont aux adultes.
On découvre ensuite le camp du drap d’or d’Aslan, puis Aslan lui-même. Joli mouvement de caméra qui capture ses pattes lorsqu’il sort de sa tente, puis s’élève au niveau de la tête : le procédé est élégant et correspond bien au personnage.
Ce gros lion de synthèse, si élégant qu’il soit, est furieusement anthropomorphe. Je crois avoir vu des sourcils ; et il change autant souvent de mimiques faciales que notre président Chirac lorsqu’il parle en public.
Comme les bombes, c’est dangereux, les quatre enfants héros du film sont acheminés vers un oncle de la campagne et une gouvernante dont on se demande si elle est taciturne ou simplement malveillante. Anglais, vous dis-je. A l’occasion d’une partie de cache-cache, les enfants découvrent l’armoire… puis Narnia et, dans l’ordre, la sorcière et le lion.
Les premières minutes dans le pays enchanté prolongent cette ambiance inexportable de « fantasy ». C’est la toute petite, Lucy, qui s’y aventure seule, et découvre un faune. Un peu surprise au début, elle s’accoutume vite à sa présence, ils vont ensemble boire du thé ; le faune aussi a l’accent anglais, et il est « not quite sure » : doit-il la kidnapper ? la laisser partir ? Bref, on reste du côté d’Alice au Pays des Merveilles, autre histoire so british.
La méchante sorcière apparaît ; elle est méchante juste ce qu’il faut – et elle me rappelle une collègue du bureau, mais ceci est une autre histoire.
Au fur et à mesure on apprend l’histoire du pays ; ensorcelé et gelé par la sorcière, il va être délivré par Aslan, qui prépare une armée pour récupérer son pays. Pour l’instant, « c’est toujours l’hiver et jamais Noël » : le film regorge de petites phrases ironiques ou bien senties qui plairont aux adultes.
On découvre ensuite le camp du drap d’or d’Aslan, puis Aslan lui-même. Joli mouvement de caméra qui capture ses pattes lorsqu’il sort de sa tente, puis s’élève au niveau de la tête : le procédé est élégant et correspond bien au personnage.
Ce gros lion de synthèse, si élégant qu’il soit, est furieusement anthropomorphe. Je crois avoir vu des sourcils ; et il change autant souvent de mimiques faciales que notre président Chirac lorsqu’il parle en public.
Second volet : la passion de la nuit de Walpurgis de Mel Gibson de la sorcière blanche de Stonehenge
A partir de là, ça se gâte, car « en raison de l’antique magie », l’un des frères est un traître qui revient de droit à la sorcière. Alors Aslan se livre à sa place. Et là, ça devient franchement lourd. Le producteur a juré ses grands dieux que ce n’était pas un film catholique, ni « la passion pour les enfants » ? Qu’importe ! Ca l’est quand même. Il y a trop de coïncidences. Aslan se livre soi-même, au milieu d’une nuit de Walpurgis fêtée au milieu de mégalithes à la Stonehenge. Il est raillé et ne se défend pas, puis il est mis à mort. Je n’ose pas dire « il n’avait plus figure humaine », comme le prophète Isaïe, car c’est un lion, après tout.
Puis les saintes femmes, je veux dire les deux sœurs de la fratrie, vont le voir pour un dernier adieu et là, paf, l’autel du sacrifice se brise, le rideau du temple se déchirerait presque s’il y avait un temple, et Aslan est là, ressuscité et il s’en va précéder ses frères en Galilée : c’est l’objet de la troisième partie.
La seconde partie, donc, balance vers le spectateur une mitraille de symboles à peine camouflés, à un rythme qui ne connaît aucune miséricorde. Le charme britannique est évaporé ; on sent que cela essaie de faire un peu comme le seigneur des anneaux, avec des orques qui raillent le lion : « il en a délivré d’autres et il ne peut se délivrer lui-même ».
Bref, si tout cela ne vous rappelle rien, c’est que vous avez la maladie d’Alzheimer.
Puis les saintes femmes, je veux dire les deux sœurs de la fratrie, vont le voir pour un dernier adieu et là, paf, l’autel du sacrifice se brise, le rideau du temple se déchirerait presque s’il y avait un temple, et Aslan est là, ressuscité et il s’en va précéder ses frères en Galilée : c’est l’objet de la troisième partie.
La seconde partie, donc, balance vers le spectateur une mitraille de symboles à peine camouflés, à un rythme qui ne connaît aucune miséricorde. Le charme britannique est évaporé ; on sent que cela essaie de faire un peu comme le seigneur des anneaux, avec des orques qui raillent le lion : « il en a délivré d’autres et il ne peut se délivrer lui-même ».
Bref, si tout cela ne vous rappelle rien, c’est que vous avez la maladie d’Alzheimer.
Troisième volet : sauver Minas Tirith
La troisième partie, c’est la croisade pour reconquérir Narnia, qui se finit bien entendu par un combat entre le plus grand des garçons (Peter) et la sorcière. Le pastiche de Peter Jackson est manifeste, à mon sens : grands paysages, charges de cavalerie solennelles ; mais les combats de Peter Jackson sont infiniment plus lisibles et captivants.
De plus, on est en famille : il n’y a donc pas une goutte de sang versé. Il est d’autant plus hilarant d’entendre, lors d’un duel précédent où Peter a tué un loup : « nettoie ton épée ». Eh quoi ! Elle est toute propre ! Elle est comme les héros de Starship Troopers : toujours permanentés après dix heures de combat.
Dans ce pays magique où les épées n’ont pas besoin d’être nettoyées, le réalisateur a choisi d’appuyer sur la touche « mute » lors des charges de cavalerie ; probablement pour remettre le son au moment du choc frontal des premiers rangs. Mais tout cela est peu original et peu efficace.
Filmer le choc frontal, Peter Jackson l’a fait dans « les deux tours », lorsqu’un détachement des gentils est embuscadé par les « ouargues », ces hyènes géantes. Il y a là un assez beau choc qui empêche de dormir. Il y en a d’autres car ce ne sont pas les charges qui manquent dans les deux derniers volets du « Seigneur des Anneaux ».
Et LA charge par excellence, c’est celle où le suicidaire Faramir, après s’être fait remballer une fois de plus par Denethor, prend ce qui lui reste d’hommes et va chercher la mort au combat devant Osgiliath. Peter Jackson filme cela en contrepoint avec Pippin qui chante une chanson nostalgique de la Comté, et Denethor qui ne l’écoute même pas et se goinfre dans la salle du trône. C’est quand même autre chose qu’une touche « mute ».
De plus, on est en famille : il n’y a donc pas une goutte de sang versé. Il est d’autant plus hilarant d’entendre, lors d’un duel précédent où Peter a tué un loup : « nettoie ton épée ». Eh quoi ! Elle est toute propre ! Elle est comme les héros de Starship Troopers : toujours permanentés après dix heures de combat.
Dans ce pays magique où les épées n’ont pas besoin d’être nettoyées, le réalisateur a choisi d’appuyer sur la touche « mute » lors des charges de cavalerie ; probablement pour remettre le son au moment du choc frontal des premiers rangs. Mais tout cela est peu original et peu efficace.
Filmer le choc frontal, Peter Jackson l’a fait dans « les deux tours », lorsqu’un détachement des gentils est embuscadé par les « ouargues », ces hyènes géantes. Il y a là un assez beau choc qui empêche de dormir. Il y en a d’autres car ce ne sont pas les charges qui manquent dans les deux derniers volets du « Seigneur des Anneaux ».
Et LA charge par excellence, c’est celle où le suicidaire Faramir, après s’être fait remballer une fois de plus par Denethor, prend ce qui lui reste d’hommes et va chercher la mort au combat devant Osgiliath. Peter Jackson filme cela en contrepoint avec Pippin qui chante une chanson nostalgique de la Comté, et Denethor qui ne l’écoute même pas et se goinfre dans la salle du trône. C’est quand même autre chose qu’une touche « mute ».
Les influences et les acteurs
On pourrait chercher d’autres influences dans « Narnia » : il doit bien y avoir une touche involontaire de Harry Potter, des Orphelins Baudelaire (les enfants poursuivis par l’adversité et les adultes), beaucoup de Tolkien, donc. En revanche, si la sorcière se bat avec deux épées, ce n’est pas un hommage aux films de Hong Kong où les héros font ça pour symboliser qu’ils vengent un ami mort. C’est juste pour qu’elle soit deux fois plus méchante.
Cette sorcière et drôlement bien jouée, d’ailleurs ; doucereuse, impatiente, et autoritaire et impitoyable dès qu’elle a l’impunité. Elle faiblit un peu dans la nuit du Walpurgis, où on la voit presque dire « par le pouvoir du crâne ancestral », mais se ressaisit après.
La toute petite Lucy est super ; jamais décontenancée, elle tient un personnage de contes de fées convainquant, ne perd pas son aplomb face au faune. On devine que, perdue dans Londres, à sept ans, elle saurait retrouver seule le chemin de la maison. C’est pourquoi elle a pratiquement un quart d’heure pour elle toute seule au début du film.
Edmond et Susan, les deux d’âge intermédiaire, sont moins convaincants. Edmond n’est là que pour jouer le traître, ce qu’il fait trop brutalement et sans autres dimensions ; Susan n’a pas réellement d’existence dans l’histoire ; c’est un peu l’intello de service.
Peter, qui est censé être le chef des quatre, veut camper un rôle de dirigeant qui ne veut pas diriger. Après tout, être adoubé, se voir confier une armée pour défaire une sorcière, c’est une chose que même les boarding schools ne vous apprennent pas. Lui ne pensait sans doute qu’à présenter la météo à la télé, une fois qu’il serait grand. Hélas, alors que le moment est venu de se battre et qu’on attend une transformation miraculeuse toujours possible au cinéma, Peter reste aussi timoré et semble un peu frêle dans les batailles. Ce n’est pas Aragorn… ce qui ne l’empêche pas d’avoir campé dans mon blog un « dark trador » très acceptable, dans le seul cliché où il semble vouloir quelque chose.
Cette sorcière et drôlement bien jouée, d’ailleurs ; doucereuse, impatiente, et autoritaire et impitoyable dès qu’elle a l’impunité. Elle faiblit un peu dans la nuit du Walpurgis, où on la voit presque dire « par le pouvoir du crâne ancestral », mais se ressaisit après.
La toute petite Lucy est super ; jamais décontenancée, elle tient un personnage de contes de fées convainquant, ne perd pas son aplomb face au faune. On devine que, perdue dans Londres, à sept ans, elle saurait retrouver seule le chemin de la maison. C’est pourquoi elle a pratiquement un quart d’heure pour elle toute seule au début du film.
Edmond et Susan, les deux d’âge intermédiaire, sont moins convaincants. Edmond n’est là que pour jouer le traître, ce qu’il fait trop brutalement et sans autres dimensions ; Susan n’a pas réellement d’existence dans l’histoire ; c’est un peu l’intello de service.
Peter, qui est censé être le chef des quatre, veut camper un rôle de dirigeant qui ne veut pas diriger. Après tout, être adoubé, se voir confier une armée pour défaire une sorcière, c’est une chose que même les boarding schools ne vous apprennent pas. Lui ne pensait sans doute qu’à présenter la météo à la télé, une fois qu’il serait grand. Hélas, alors que le moment est venu de se battre et qu’on attend une transformation miraculeuse toujours possible au cinéma, Peter reste aussi timoré et semble un peu frêle dans les batailles. Ce n’est pas Aragorn… ce qui ne l’empêche pas d’avoir campé dans mon blog un « dark trador » très acceptable, dans le seul cliché où il semble vouloir quelque chose.
En somme…
Le premier volet des « Chroniques de Narnia » est donc un film composite, qui cherche son identité parmi les blockbusters du moment et ne la trouve en fin de compte que peu. Parti comme une histoire savoureuse toute imprégnée d’Angleterre, il se mue sans prévenir en séquence indigeste sur la Passion, puis en film de chevalerie un peu fadasse. Il reste néanmoins d’une bonne qualité technique tout au long, ce qui justifie qu’on aille le voir néanmoins.