Si je me suis intéressé à Wladimir Weidle (ou Vejdle, 1895-1979), c’est en tant qu’auteur de La Voie, cette admirable revue russe que je vous ai présentée dans un précédent article. La lecture de son étude sur le déclin de l'art, Les abeilles d'Aristée, a achevé de me convaincre de l'importance de son oeuvre critique.
Weidlé fait partie de la génération d'intellectuels de l'émigration russe dont Antoine Arjakovsky a décrit l'histoire spirituelle (voir ici. Après après avoir quitté la Russie en 1924, Weidlé s’installe à Paris et intègre, sur la proposition du Père Boulgakov, l’institut de théologie orthodoxe Saint-Serge. Il y enseigne l’histoire de l’art. C’est d’ailleurs sous l’influence de Boulgakov que ce grand critique russe se rapproche à partir des années trente de l’Eglise et communie à nouveau à l’eucharistie.
En 1933 Nicolas Berdiaev l’invite à collaborer à la revue La Voie, l’organe de la pensée religieuse russe (1925-1940). Il y publie deux articles sur la «désintégration de l’art» et la «renaissance du merveilleux» qui s’achève par ce constat, déjà cité dans ma précédente recension mais qu’il me semble indispensable de rappeler, à une époque où tant de romans, de films cultivent le fantastique le plus échevelé, font rimer onirisme et débilité, ou puisent dans un merveilleux factice, insignifiant, dépourvu de toute référence mythique et religieuse (Harry Potter etc…): «Le chemin le plus droit, le chemin le plus fidèle à la renaissance du merveilleux, même s’il n’est pas le seul, se trouve dans la réunion de la création artistique avec le mythe chrétien et avec l’église chrétienne». Cette union mystérieuse, il la découvre dans l’œuvre d’un peintre, Georges Rouault, qu’il cite à plusieurs reprises.
Ces deux études ont été rassemblées dans un livre publié en français, à la fin des années trente, sous le titre Les abeilles d’Aristée. Essai sur le destin des lettres et des arts, réédité en 2004 aux éditions Ad Solem. L’agonie de l’art (plus que son déclin), c’est là le thème central de ce brillant essai dont je vous conseille la lecture. Aujourd’hui on serait presque tenté de parler de mort car elle a pour origine une crise de l’homme, crise qui atteint aujourd'hui un point critique. L’humanité a entraîné l’art dans sa déroute. « Dieu s’est caché : le monde n’est plus » et l’art se meurt.
« Ce n’est pas l’art qu’il faut accuser d’avoir trahi l’humanité, mais l’humanité d’avoir trahi l’art, car ce n’est pas à l’art de servir l’homme mais bien à l’homme, à travers l’art, de servir le principe divin de l’univers. Cette mission, l’art l’avait toujours remplie, mais dans un monde dont l’âme s’éteint et se refroidit, il ne peut rester le seul foyer de chaleur et de lumière […] S’il périt lui-même, c’est par manque, autour de lui, d’un monde pénétré de religion, ou du moins vivifié par une morale, une spiritualité d’origine religieuse »…
La renaissance de l’art, écrit-il en conclusion du chapitre intitulé «Le sacrificateur excommunié», passe par «une illumination nouvelle du monde, qui réinstaurera la communauté perdue, qui rendra inutiles les bûchers solitaires, les martyrs désespérés, arrêtera le sang qui s’écoule des plaies de la création humaine ». Tant que l’homme ne sera pas revenu dans sa patrie spirituelle, la création continuera de s’éloigner de sa fin première, à savoir «l’ordination suprême de la grâce».
Pour commander ce livre : cliquez ici
Weidlé fait partie de la génération d'intellectuels de l'émigration russe dont Antoine Arjakovsky a décrit l'histoire spirituelle (voir ici. Après après avoir quitté la Russie en 1924, Weidlé s’installe à Paris et intègre, sur la proposition du Père Boulgakov, l’institut de théologie orthodoxe Saint-Serge. Il y enseigne l’histoire de l’art. C’est d’ailleurs sous l’influence de Boulgakov que ce grand critique russe se rapproche à partir des années trente de l’Eglise et communie à nouveau à l’eucharistie.
En 1933 Nicolas Berdiaev l’invite à collaborer à la revue La Voie, l’organe de la pensée religieuse russe (1925-1940). Il y publie deux articles sur la «désintégration de l’art» et la «renaissance du merveilleux» qui s’achève par ce constat, déjà cité dans ma précédente recension mais qu’il me semble indispensable de rappeler, à une époque où tant de romans, de films cultivent le fantastique le plus échevelé, font rimer onirisme et débilité, ou puisent dans un merveilleux factice, insignifiant, dépourvu de toute référence mythique et religieuse (Harry Potter etc…): «Le chemin le plus droit, le chemin le plus fidèle à la renaissance du merveilleux, même s’il n’est pas le seul, se trouve dans la réunion de la création artistique avec le mythe chrétien et avec l’église chrétienne». Cette union mystérieuse, il la découvre dans l’œuvre d’un peintre, Georges Rouault, qu’il cite à plusieurs reprises.
Ces deux études ont été rassemblées dans un livre publié en français, à la fin des années trente, sous le titre Les abeilles d’Aristée. Essai sur le destin des lettres et des arts, réédité en 2004 aux éditions Ad Solem. L’agonie de l’art (plus que son déclin), c’est là le thème central de ce brillant essai dont je vous conseille la lecture. Aujourd’hui on serait presque tenté de parler de mort car elle a pour origine une crise de l’homme, crise qui atteint aujourd'hui un point critique. L’humanité a entraîné l’art dans sa déroute. « Dieu s’est caché : le monde n’est plus » et l’art se meurt.
« Ce n’est pas l’art qu’il faut accuser d’avoir trahi l’humanité, mais l’humanité d’avoir trahi l’art, car ce n’est pas à l’art de servir l’homme mais bien à l’homme, à travers l’art, de servir le principe divin de l’univers. Cette mission, l’art l’avait toujours remplie, mais dans un monde dont l’âme s’éteint et se refroidit, il ne peut rester le seul foyer de chaleur et de lumière […] S’il périt lui-même, c’est par manque, autour de lui, d’un monde pénétré de religion, ou du moins vivifié par une morale, une spiritualité d’origine religieuse »…
La renaissance de l’art, écrit-il en conclusion du chapitre intitulé «Le sacrificateur excommunié», passe par «une illumination nouvelle du monde, qui réinstaurera la communauté perdue, qui rendra inutiles les bûchers solitaires, les martyrs désespérés, arrêtera le sang qui s’écoule des plaies de la création humaine ». Tant que l’homme ne sera pas revenu dans sa patrie spirituelle, la création continuera de s’éloigner de sa fin première, à savoir «l’ordination suprême de la grâce».
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